La centrale à biomasse de Gardanne (Bouches-du-Rhône), revient sous les projecteurs avec la signature d’un accord faramineux entre l’État et GazelEnergie, son exploitant, afin de relancer la production, arrêtée depuis près d’un an.
Après plus de 18 mois de négociations, la centrale thermique de Provence obtient un sursis. Mais ce redémarrage, au coût élevé pour les finances publiques, soulève des critiques sur ses impacts sociaux, environnementaux et économiques.
La ministre déléguée à l’Énergie, Olga Givernet, a officialisé fin novembre un contrat de soutien à la production d’électricité de la centrale, dont la dernière tranche au charbon a été convertie à la biomasse en 2011. L’accord, qualifié de « vital » par les syndicats, prévoit un prix garanti compris entre 250 et 260 euros par mégawattheure (MWh) sur huit ans, plafonné à 4 000 heures de production annuelle. Cette aide, évaluée à 800 millions d’euros, permet de limiter la facture initialement estimée à 1,6 milliard d’euros, rapportent Les Échos.
Pour GazelEnergie, filiale du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, cette annonce marque une victoire. La centrale, d’une puissance de 150 MW, était à l’arrêt depuis un an et demi, fragilisant directement ses 100 salariés et 650 sous-traitants. Selon Le Figaro, la menace d’un chômage partiel massif ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi planait sur le site. Avec ce nouveau contrat, la production devrait redémarrer dès janvier 2025.
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Le contrat négocié impose toutefois des ajustements. Le volume de biomasse requis sera réduit de 850 000 tonnes à 450 000 tonnes par an. Cette réduction, censée limiter l’empreinte environnementale de la centrale, reste critiquée. Une partie du bois utilisé est importée, notamment du Brésil, un choix que conteste France Nature Environnement (FNE), relève le média Contexte. L’ONG dénonce une incohérence écologique et un gaspillage de ressources publiques pour une installation affichant un rendement énergétique faible, estimé à 23 %, sans cogénération.
Le 27 mars 2023, le Conseil d’État avait annulé une décision de 2020 autorisant le redémarrage de la centrale biomasse de Gardanne. Il avait jugé insuffisante l’étude d’impact, notamment sur les effets de l’approvisionnement en bois (370 000 à 580 000 tonnes par an) sur les massifs forestiers.
Une transition énergétique conflictuelle
Le redémarrage de Gardanne met en lumière les contradictions de la politique énergétique française. Convertie à la biomasse pour répondre aux objectifs de décarbonation, la centrale se heurte aujourd’hui à des enjeux environnementaux. La filière biomasse elle-même est mise en question. Un rapport du Secrétariat général à la planification écologique souligne la rareté des ressources en bois durable et recommande de limiter les projets similaires.
Le coût du soutien public suscite également des critiques. En dépit de la clause de résiliation après huit ans, l’investissement consenti interroge sur la gestion des fonds publics. Alors que l’État a imposé une réduction de la production annuelle (4 000 heures au lieu des 7 500 initialement prévues), les bénéfices pour GazelEnergie pourraient avoisiner un milliard d’euros, comme le souligne Le Figaro. Ce compromis, jugé tardif mais nécessaire, n’éteint pas les inquiétudes sur la pérennité économique de la centrale.
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Malgré ces zones d’ombre, l’annonce est accueillie avec soulagement par les employés. Selon Thomas About, élu FO chez GazelEnergie, l’accord offre une stabilité attendue de longue date. « Les salariés pourront retrouver une certaine sérénité après des mois de précarité », a-t-il déclaré dans Les Échos. Outre les emplois directs, cet accord préserve également les activités des sous-traitants, notamment sur le port de Fos-sur-Mer, où une partie de la biomasse est acheminée.
La biomasse, vantée comme une alternative durable, révèle ici ses écueils : importation de matières premières, inefficacité énergétique et coût exorbitant pour les finances publiques. En soutenant la centrale de Gardanne, l’État prend un pari risqué. Si cette installation échoue à démontrer sa pertinence économique et écologique, elle pourrait devenir le symbole d’une transition énergétique mal maîtrisée. Les prochaines années seront décisives pour évaluer si ce choix audacieux était une erreur coûteuse ou une opportunité mal exploitée.
Le comble est que ce n’est même pas une centrale de pointe, on n’en a absolument pas besoin.