Dans un rapport publié en mars 2025, la Cour des comptes dresse un bilan contrasté du développement du biogaz en France. Si elle en reconnaît les atouts environnementaux et agricoles, les sages s’interrogent sur la cohérence des objectifs fixés par l’État et sur le poids croissant du soutien public.
Produit par méthanisation de matières organiques, le biogaz présente des avantages pour remplacer le gaz fossile. Il permet la valorisation des déchets agricoles et de fournir un revenu complémentaire aux exploitants : selon la Cour des Comptes, les agriculteurs impliqués dans la méthanisation ont vu leur excédent brut d’exploitation augmenter de « 40 000 euros à un an à 55 000 euros à cinq ans ».
Fin 2023, la France comptait 1 911 méthaniseurs, dont 652 injectaient du biométhane dans le réseau de gaz. Cette production reste cependant marginale : en 2023, le biogaz représentait 2,4 % de la consommation de gaz en France.
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Dans le viseur de la Cour, l’incertitude sur les objectifs à long terme. Alors que la France vise la neutralité carbone en 2050, le rôle exact du biogaz dans le mix énergétique reste mal défini. En 2030, la production devrait atteindre 50 térawattheures (TWh) mais cette trajectoire repose sur des hypothèses incertaines, notamment sur la disponibilité des ressources en biomasse.
Le rapport souligne que dès 2030, 15 TWh de biogaz pourraient manquer, faute de matières premières suffisantes. La concurrence entre usages alimentaires et énergétiques de la biomasse pourrait poser problème. La filière bénéficie d’un soutien financier important : entre 2011 et 2022, les tarifs d’achat garantis ont coûté 2,6 milliards d’euros aux finances publiques. À cela s’ajoutent les subventions à l’investissement (500 millions d’euros entre 2019 et 2023), des exonérations fiscales et d’autres aides indirectes.
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Le coût de ce soutien pourrait exploser : d’ici 2037, les engagements déjà pris représenteraient entre 22 et 27 milliards d’euros. La Cour met en garde contre l’impact de cette politique sur les finances publiques et plaide pour une meilleure régulation des aides.
Face à ces critiques, le gouvernement prévoit de remplacer progressivement les tarifs d’achat par un mécanisme de certificats de production de biogaz (CPB). Ce système, financé par les fournisseurs de gaz et non plus par l’État, doit entrer en vigueur en 2026. Mais la Cour exprime des doutes sur sa viabilité et son impact sur les prix pour les consommateurs. Elle recommande également de mieux encadrer le développement des méthaniseurs, d’améliorer la planification des ressources en biomasse et de mieux surveiller les effets de la méthanisation sur les pratiques agricoles.