Aujourd’hui, au moins 80 % de la biomasse est détenue par les agriculteurs. Pourtant, la filière méthanisation peine à se développer. Le problème : l’inadéquation entre les lieux de production potentiels de biogaz et les lieux de consommation. Mais la liquéfaction du biogaz pourrait constituer une solution.

« L’idée, c’est celle de la tournée du laitier. Nous voulons ramasser du biogaz comme on va ramasser du lait », explique Bruno Adhémar, président de SUBLIME Energie, en préambule d’une conférence de presse donnée dernièrement. « Mais le gaz, ça prend de la place. Et quand on le liquéfie, ça en prend moins. » Ainsi se résume l’idée.

D’abord, le rappel qu’aujourd’hui, le gaz produit par méthanisation sur les exploitations agricoles est essentiellement injecté dans les réseaux. Premier obstacle à la démocratisation de la technologie. Car lorsqu’une exploitation se trouve un peu isolée, les raccordements coûtent cher. « Une solution consiste à rapprocher la biomasse des réseaux de gaz, une biomasse qui viendra alors alimenter des méthaniseurs territoriaux. Mais cela suppose des transports de matière », précise Bruno Adhémar. Avec les inconvénients qui vont avec en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES), de nuisances ou même de réduction du pouvoir méthanogène de la biomasse.

Une technologie unique au monde pour liquéfier le biogaz

L’autre solution, c’est donc celle que SUBLIME Energie travaille à développer. « Donner l’opportunité à des exploitations agricoles de gagner en valeur grâce à la production de biogaz par méthanisation même si elles disposent de peu de biomasse ou qu’elles sont éloignées des réseaux. » Le tout grâce à une technologie unique au monde de liquéfaction du biogaz.

« Le procédé fait appel à des technologies connues et validées dans le domaine des gaz industriels qui sait bien liquéfier et transporter ensuite des gaz sous une forme liquide », explique Jean-Yves Thonnelier, expert en cryogénie et ancien chercheur chez Air Liquide. « La nouveauté, ici, c’est l’ordre des opérations. Parce que nous cherchons à faire simple à la ferme. » Pour revenir à l’image de début, l’idée, c’est de collecter du lait cru. « Nous venons liquéfier un produit qui contient encore du CO2. C’est là que se situe réellement l’innovation. » « Le biogaz est tout de même vidé d’impuretés de type composés organiques volatiles (COV) qui pourraient s’avérer corrosifs. Puis, il est séché pour éviter les dépôts de glace au moment où nous allons procéder à la descente en température. Le biogaz est enfin comprimé jusqu’à une pression optimale pour son transport, tant d’un point de vue économique que réglementaire », détaille Inès Ben El Mekki.

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Plus qu’une liquéfaction, une dissolution de biogaz

Ce n’est qu’ensuite que le biogaz est liquéfié. Ou plus exactement, dissout dans un solvant liquide appelé agent de portage. Un agent de portage ? « Une molécule très courante sur les marchés qui a des affinités notamment avec le CO2 », précise la directrice technique de SUBLIME Energie. « Ce mélange liquide peut être transporté vers un hub, où la production d’une dizaine de méthaniseurs sera mutualisée, permettant de réduire ainsi les coûts de l’épuration cryogénique réalisée sur place. Il est alors séparé pour obtenir du bioGNL et du bioCO2. Et enfin, de les commercialiser », poursuit Inès Ben El Mekki. « L’agent de portage peut alors être recyclé pour relancer de nouveaux cycles d’épuration et de liquéfaction. »

Un pilote du nom de «alpha » a prouvé le concept en 2020. Une demande de brevet a été déposée en 2021. Un démonstrateur a permis de valider la technique fin 2022. Reste à tester l’ensemble de la chaîne de liquéfaction du biogaz. Ce sera fait dès 2025 avec le concours d’une exploitation agricole en Bretagne. Et SUBLIME Energie espère commercialiser une première série dès 2026.

Liquéfier le biogaz pour l’environnement et bien plus

Grâce à son procédé innovant, un projet de SUBLIME Energie permet la production chaque année, à partir de la biomasse produite sur 10 exploitations de taille moyenne, de 3 000 tonnes de bioGNL et de 5 000 tonnes de bioCO2. De quoi alimenter environ 100 camions avec un potentiel de réduction des émissions de CO2 de 85 % en comparaison au diesel. Et ce serait sans compter l’évitement des émissions de méthane à la ferme et la substitution des engrais chimiques par le digestat co-produit. Le bioCO2, lui, pourra par exemple remplacer le CO2 fossile utilisé dans l’industrie agroalimentaire, par exemple, ou pourra être utile à produire des carburants de synthèse. « Sachant que des milliers de fermes pourraient répondre à notre cahier des charges, le gain pour l’environnement serait énorme », conclut Bruno Adhémar. Le gain pour l’environnement, mais aussi pour les agriculteurs, l’emploi local et la souveraineté énergétique des territoires.