Des scientifiques de l’Université de Californie du Sud (USC) et de celle de San Diego ont imaginé une nouvelle technique de stockage de l’électricité. « Nous proposons des Batteries d’Information (IB), dans lesquelles l’énergie est stockée sous forme de résultats d’opérations informatiques » expliquent-ils.
Contrairement à une rumeur malheureusement trop répandue, le gros problème des réseaux électriques n’est pas la variabilité de la production des énergies renouvelables, mais plutôt la variabilité de la consommation d’électricité. Sur une journée, on observe typiquement, dans un pays comme la France, un « pic de consommation » le soir en hiver ou vers 13 h en été. Et à l’inverse des creux pendant la nuit (en toute saison) et le soir en été.
Or, un réseau électrique doit toujours rester en équilibre, c’est-à-dire que la quantité d’électricité injectée par les unités de production (centrales, parcs éoliens ou solaires, …) doit toujours être égale à la consommation. Pendant les pics de demande de courant, des centrales doivent donc se mettre en route pour quelques heures seulement, voire quelques minutes par jour ou même … par an. On comprend aisément que pendant ces pointes de consommation, le prix de l’électricité vendue par les producteurs sur le marché grimpe en flèche. A l’inverse, pendant les heures creuses, l’offre est largement supérieure à la demande et les prix s’effondrent.
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Pour éviter des fluctuations trop importantes mais aussi et surtout de devoir investir lourdement dans de nouveaux moyens de production qui ne seront peut-être utilisés au mieux que quelques heures par an afin d’éviter un blackout lors d’un pic de consommation hivernal, nous avons donc intérêt à stocker l’électricité aux moments où la consommation et les prix sont au plancher pour la restituer lors des « pics ».
C’est la raison pour laquelle, dans la plupart des pays, les gros investissements en matière de stockage n’ont pas été consentis au moment de l’avènement des énergies renouvelables, mais bien, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, lorsque l’usage de l’électricité s’est grandement répandu comme source d’énergie de l’industrie et des ménages. Et surtout pour optimiser le fonctionnement des grosses centrales thermiques et nucléaires construites à cette époque. C’est ainsi qu’en France, 6 STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) totalisant une puissance de 4.900 MW, ont été édifiées en une seule décennie, entre 1976 et 1985.
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Comme les endroits propices à l’installation d’une STEP sont relativement rares et qu’elles engendrent des impacts importants sur l’environnement et les populations, d’autres technologies de stockage de l’électricité ont depuis lors été expérimentées, certaines connaissant plus de succès que d’autres : volants d’inertie, batteries, stockages gravitaire ou thermique, air comprimé, hydrogène et même poudre de fer.
Voilà maintenant que Jennifer Switzer et Barath Raghavan, deux chercheurs californiens, ont imaginé une nouvelle manière de « mettre l’électricité en conserve ». Leur idée, toute simple, est d’exécuter des tâches et des calculs informatiques qui nécessitent une grande quantité d’énergie, au moment où l’électricité est excédentaire sur le réseau puis de stocker les résultats sur des serveurs, pour les utiliser ultérieurement lorsque la production électrique est faible. « Nous proposons des Batteries d’Information (IB), dans lesquelles l’énergie est stockée sous forme de résultats d’opérations informatiques » expliquent-ils dans un article scientifique paru en novembre 2021. Des « calculs » énergivores peuvent être exécutés de manière spéculative dans de grands « data centers » lorsque l’énergie est disponible en suffisance, en anticipant les tâches prévisibles dans le futur, précisent-ils.
Leur approche repose sur trois constats. Premièrement, les centres de données dans le monde consomment d’énormes quantités d’électricité. Deuxièmement, de nombreuses tâches peuvent être anticipées en tout ou en partie. Troisièmement, la disponibilité de l’électricité et des demandes de calcul sont quelque peu prévisibles, et il est donc possible de faire du « transfert de charge spéculatif ».
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A titre d’exemple, les scientifiques citent les producteurs de films d’Hollywood ou les serveurs utilisés par YouTube qui, chaque jour, transcodent plus de 700 000 heures de vidéos à différentes résolutions. Bon nombre de ces opérations sont prévisibles et peuvent être effectuées à un moment où la production d’électricité est abondante ou la demande sur le réseau est faible. Ils expliquent aussi que les opérations effectuées à l’avance ne doivent pas nécessairement correspondre à celles qui seront nécessaires dans le futur. « Nous pouvons pré-calculer de nombreux fragments d’opération et choisir ensuite de petits éléments de ceux-ci, déjà effectués, et les assembler à la manière des pièces d’un puzzle pour résoudre rapidement une tâche totalement nouvelle », explique Barath Raghavan, qui est professeur en informatique à l’USC.
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La « batterie d’information » décrite par les scientifiques comprend des réseaux neuronaux récurrents pour prédire les tâches à venir dans les centres de données, un cache où sont stockées les fonctions permettant une récupération rapide des résultats précalculés, et un compilateur pour modifier automatiquement le code afin de stocker et de récupérer les résultats.
Ils estiment que leur technologie laisse notamment entrevoir une alternative prometteuse pour le stockage des énergies renouvelables. « Pour relever le défi de la durabilité à l’échelle d’une civilisation, nous avons besoin de tous les outils possibles » précisent-ils.
le but n est pas de retarder des traitements non urgents pour les effectuer à un moments où l électricité est moins chère, ce qui n a rien de nouveau, mais d anticiper le traitement de données incomplètes, élémentaires pour les réutiliser par la suite. traitement probable. les exemples sont mal choisis (convertir une vidéo avant qu elle existe ?) et les explications sur l’innovation réelle, très floues
Autre innovation dans le stockage = La start-up néerlandaise Ocean Grazer a reçu un prix de l’innovation au salon CES de Las Vegas début 2022 pour sa « batterie océanique ». Présentation de ce système de stockage d’électricité en profondeur.
« Ocean battery » : le principe d’une mini « STEP »posee sur le fond de l ocean. Experimentation en mer des 2025
Ils ne stockent rien, c’est juste différer une conso vers le moment où l’électricité est moins chère. Ce que beaucoup de particuliers et d’entreprises font déjà avec les « heures creuses » pour faire fonctionner chauffe-eau, lave-linge, recharge VE…Pas idiot mais pas nouveau!
La prochaine fois que ma femme voudra préparer une tarte, je lui dirai « d’accord mais tu la mets au four à 3h du mat »! 🙂
Les fours sont programmables depuis longtemps. Les lave-linge, lave-vaisselle etc. également.
Mais si vous aviez raté l’info comme quoi les hommes peuvent aussi aller dans la cuisine, cela va vous faire beaucoup à rattraper.
Publish or perish
Je pense que ce n’est qu’un paramètre nouveau dans l’affectation du niveau de priorité des différentes taches qui sont en fournées dans le pipeline des systèmes informatique. De nombreuses activités de calcul ne sont pas à un jour, ou même une semaine, près. Elles peuvent être remises aux calendes grecques sous réserve du positionnement d’un butoir dont l’approche les rends hautement prioritaire.
Anticiper une exécution n’a aucune signification en pratique car dans le pire des cas lorsqu’une exécution est demandé. C’est au pire…. des que possible.
Le calcul est effectué à la demande mais aussi consommé dès le résultat obtenu.
Ils ne stockent rien ici, ils ne font que consommer l’électricité excédentaire en la transformant en énergie calorique.
C’est ce qui est déjà fait en minant de la blockchain sur l’excédant.
En fait Qarnot en France le fait depuis des années.
D’accord à 100%… Rien de nouveau sur la planète mais c’est dit autrement pour passionner les investisseurs: le Big Bang une explosion d’information…
Si j’ai bien compris, ce n’est pas le principe utilisé ici. Qarnot utilise le principe de « réutilisation de la chaleur fatale », donc vendre des ressources de calculs en réutilisant la chaleur normalement perdue pour du chauffage. Ici c’est vendre de la puissance de calcul qui peut être différée, donc precalculer au moment des pics de production pour simplifier certains calculs lors des phases de productions basses. L’article ne le dit pas mais la technique de calcul doit être probablement basée sur une variante du « mapreduce ».
Pas assez calé pour évaluer l’idée mais je trouve très malin ce chauffe-eau de l’information qui tourne en heures creuses.