Les nombreuses évolutions et innovations en matière de construction et d’isolation des bâtiments n’ont pas suffi à contenir le réchauffement climatique. Il va falloir à présent concevoir nos maisons autrement, pour les prémunir ou les protéger contre les phénomènes extrêmes.
Floconnage en cellulose, polystyrène extrudé, double vitrage avec coefficient Ug très bas, panneaux PV haute performance, etc. : les techniques d’isolation des bâtiments permettant d’accroître leur efficacité énergétique se sont multipliées ces dernières années, et n’ont cessé d’évoluer.
Leur développement a été stimulé par des objectifs régionaux, nationaux ou européens, des incitants fiscaux et parfois des financements à taux zéro.
Seulement voilà. Force est de constater que toutes ces mesures, si elles ont le mérite d’exister, et dont on peut penser qu’elles ont dans une certaine mesure réussi à ralentir le réchauffement climatique, ont failli dans leur objectif de le stabiliser.
L’urgence est là
Le constat est sans appel. Les Etats du Midwest américain sont régulièrement détrempés, la Californie et l’Australie ont perdu des dizaines de milliers d’hectares de forêt dans des incendies incontrôlables, les îles du Pacifique assistent jour après jour, impuissantes, à la montée inexorable du niveau des océans, tandis que les Caraïbes font face à des ouragans de plus en plus dévastateurs.
Les scientifiques avaient prévenu : nos objectifs de production d’énergie renouvelable sont insuffisants pour contrer la rapidité du réchauffement global. Face à ce constat d’échec, des architectes clairvoyants passent à l’étape suivante, et développent des maisons ‘résilientes’.
Lentement mais sûrement, de telles habitations commencent à apparaître dans les pays tropicaux. Construites sur pilotis, avec des murs épais et une toiture indéboulonnable pouvant résister à des vents de 400 km/h, l’une de ces habitations a été la seule à tenir debout après le passage de l’ouragan Michael en octobre 2018. Cet ouragan, qui a ravagé Mexico Beach en Floride, a été le plus puissant dans la région depuis au moins 155 ans. Un mois plus tard, à Paradise, en Californie, quelques maisons conçues pour résister aux braises ont survécu à l’incendie « Camp Fire », qui a fait 85 morts.
Des constructions paracycloniques
Ces nouvelles conceptions font encore figure d’exception, mais il semblerait qu’un changement significatif est en cours.
De plus en plus de maisons paracycloniques ou anticycloniques sont construites aux abords des plages tropicales. Ces maisons peuvent résister aux rafales de vent, à la pluie diluvienne, aux inondations, aux débris transportés par le vent ou les rivières, aux glissements de terrain, ou à l’onde de tempête près des côtes.
Les constructions anticycloniques ne sont pas faites pour résister à tous les phénomènes engendrés par les cyclones. Elles ont seulement un niveau de solidité suffisant pour assurer la survie des populations touchées et, dans une moindre mesure, préserver les infrastructures et les équipements vitaux.
Les abris, écoles, gymnases, hôpitaux sont en général des bâtiments prioritairement anticycloniques, mais également les aéroports, les usines de traitement d’eau potable et les centrales de production d’électricité.
Tous ces bâtiments se caractérisent principalement par des murs extérieurs plus épais et réalisés en matériau solide, par la protection systématique des fenêtres par des volets, des menuiseries ou des vitres feuilletées, ainsi que par une toiture extrêmement solide.
Les vents cycloniques arrachent souvent puis transportent divers débris qui, lorsqu’ils sont assez légers, volent à plus de 100 km/h et se transforment en projectiles mortels (branchage, tôle, planche, enseigne, etc.).
Des maisons flottantes sur nos canaux
Plutôt que d’élever leurs maisons sur pilotis, d’autres cherchent des solutions pour suivre autant que possible le rythme de la montée des eaux. Les maisons flottantes commencent à se multiplier en France, en Suède et à Dubaï. Aux Pays-Bas, dont 75% du territoire se situe en-dessous du niveau de la mer, elles foisonnent le long des canaux, tandis qu’à Londres, le maire envisage même la création d’un village flottant.
« Retrait géré » sur les littoraux
60% de la population mondiale vit le long des zones côtières, et 80% vit sur une frange côtière de 100 km. Face à la menace que représente la montée des océans, les Etats-Unis parlent à présent de « retrait géré ». C’est le terme technique utilisé pour désigner le réaménagement des côtes de façon à libérer le littoral et laisser de la place à la dynamique côtière, aux tempêtes et à l’élévation prévue du niveau de la mer.
Il s’agit d’un processus coûteux qui requiert souvent le rachat des propriétés côtières par le gouvernement. Mais dans la majorité des cas, selon un ensemble d’études sur le retrait géré compilées par Adapt Virginia, un centre pour la planification de la résilience situé dans l’État de la Virginie, les bénéfices sur le long terme, qui incluent la restauration des écosystèmes, sont plus importants que le coût initial.
Lancement d’une Commission Internationale pour l’adaptation
Mais construire des maisons plus résistantes ne sera pas suffisant. Il devient de plus en plus évident que les communautés doivent augmenter leur résilience face aux menaces climatiques et littorales.
En octobre 2018, l’entrepreneur Bill Gates, aux côtés de Ban Ki-Moon, l’ancien secrétaire général des Nations Unies, et Kristalina Georgieva, directrice générale de la Banque Mondiale, ont lancé aux Pays-Bas la Commission Internationale pour l’adaptation au changement climatique.
La première mission de la commission est de dresser un état des lieux des approches novatrices en matière de propagation et de financement de l’adaptation, qui sera présenté lors d’un colloque des Nations Unies sur le climat fin septembre 2019.
Des investissements « plus intelligents », de nouvelles technologies et une « meilleure planification » seront encouragés par la Commission afin de mieux résister aux menaces liées au climat.
17 pays se sont engagés à promouvoir et à soutenir les actions de cette commission.
« Nous devons lutter contre les causes du réchauffement climatique, mais également nous adapter à ses conséquences qui sont souvent dramatiques pour les citoyens les plus démunis et les plus vulnérables », avait confié Kristalina Georgieva, la directrice de la Banque Mondiale.