C’est dans le fjord d’Oslo, en Norvège, que le premier porte-conteneurs électrique – et bientôt autonome – du monde a effectué son premier voyage. Le Yara Birkeland permettrait de remplacer à l’année 40 000 trajets habituellement effectués par camion.
Jusqu’à 3 200 tonnes d’engrais
Yara aime à se définir comme le plus grand producteur d’engrais au monde. Son cargo électrique d’une longueur de 80 mètres, pour une largeur de 15 m, sera donc exploité pour transporter ce type de produits. Il pourra recevoir jusqu’à 120 conteneurs de 20 pieds, avec une capacité d’embarquement de 3 200 tonnes. Ainsi chargé, 6 des 12 mètres de sa hauteur seront encore visibles.
Vers quelles longues destinations voguera ce navire électrique ? Aucune en fait. Son trajet quotidien sera toujours le même, d’une dizaine de kilomètres, entre l’usine de Porsgrunn au sud-est de la Norvège et le port de Brevik.
Pour les grandes distances, Yara dispose d’une autre carte tirée de son catalogue : l’ammoniac vert. L’entreprise dépend de ce produit, qu’il soit obtenu de façon écologique ou non, pour fabriquer ses engrais. A travers sa filiale Yara Clean Ammonia, elle le développe pour la propulsion à hydrogène vert des bateaux au long cours.
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Doté d’une vitesse maximale de 15 nœuds (un peu moins de 28 km/h), le Yara Birkeland évoluera à une allure plus douce pour la batterie, de l’ordre de 6 à 7 nœuds (environ 12 km/h). Ainsi, la capacité énergétique du pack complet de 6,8 MWh, répartis en 8 compartiments, permettrait de parcourir environ 120 km avant recharge.
Des chiffres qui pourraient se traduire par une consommation de l’ordre de 3,5 kWh/100 km pour 2 tonnes à déplacer. En comparaison, c’est le poids approximatif d’une Tesla Model S qui grille environ 5 fois plus d’électricité, mais en roulant 8 fois plus vite.
La batterie alimente 2 moteurs de chacun 900 kW pour la propulsion, et 2 autres de 700 kW pour les déplacements latéraux, plus particulièrement en service pour accoster, s’écarter des quais, et se jouer des courants latéraux. En plus d’éviter de relâcher d’importantes quantités d’oxydes d’azote dans l’atmosphère, le cargo électrique allégerait l’impact carbone du transport de l’entreprise de 678 tonnes par an.
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Le voyage inaugural permet aux acteurs du projet de passer à une nouvelle phase. Ils se donnent 2 ans pour effectuer les tests qui certifieront le Yara Birkeland comme cargo autonome. Le dispositif s’appuie sur une série de capteurs qui témoignent de son orientation réelle sur le terrain.
Il s’agit ainsi d’éliminer les risques d’accidents. Yara estime que ces derniers sont la plupart du temps le fait d’erreurs humaines causées par la fatigue et des erreurs d’interprétation.
A partir de cette étape, l’équipage à bord sera progressivement réduit. Le navire devrait même ne plus compter de présence humaine à bord 1 à 3 ans plus tard. Et pas seulement pour se déplacer. Aussi pour effectuer le ravitaillement en électricité de la batterie, et embarquer puis décharger les conteneurs.
Un calendrier ralenti
Pas d’exploitation commerciale immédiate à la suite du voyage de démonstration du navire électrique. Elle n’interviendra pas avant le courant de l’année prochaine, alors que le calendrier initial l’envisageait pour le second trimestre de 2018. Déjà ralentie, la feuille de route du programme Yara Birkeland ne semble pas des plus dynamiques.
Deux raisons l’expliquent. La première est administrative : la réglementation nécessaire à la navigation autonome n’existe tout simplement pas aujourd’hui. Ensuite, le trajet suivi par le Yara Birkeland n’est pas des plus simples. Sa route à travers un fjord relativement étroit, sera encombrée par des embarcations très diverses qui iront des kayaks jusqu’à d’autres navires de transport de fret. Le port de Brevik est lui même très chargé et pas toujours très simple d’accès.
A noter que l’exploitation totalement autonome du cargo électrique de Yara avait au départ été annoncée pour 2020.
Un projet qui date de 2017
Première pierre visible du programme Yara Birkeland, un partenariat avec le groupe Kongsberg, officialisé en mai 2017. L’accord portait sur la construction du premier navire électrique et autonome du monde.
Reconnue pour fournir des solutions de haute technologie à des clients des secteurs de la marine marchande, de l’offshore, du pétrole et du gaz, de la défense et de l’aérospatiale, cette entreprise a eu la charge de développer et fournir toutes les technologies innovantes embarquées sur le cargo. Y compris le groupe motopropulseur avec sa batterie, ainsi que les capteurs et leur intégration pour l’exploitation autonome du bateau.
Le bâtiment sera d’ailleurs contrôlé à partir du centre de surveillance et d’exploitation de Massterlys à Horten, coentreprise fondée par Kongsberg et le groupe maritime Wilhelmsen.
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L’agence nationale norvégienne Enova, missionnée pour soutenir la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables, a soutenu le programme à hauteur de 133,5 millions de couronnes (13,25 millions d’euros environ). Cette décision est intervenue en septembre de la même année 2017, alors qu’un démonstrateur de 6 mètres embarquant les technologies spécifiques avait été présenté.
La construction du Yara Birkeland a été confiée l’année suivante aux chantiers VARD, anciennement STX Europe. Le contrat avait alors été évalué à 250 millions de couronnes, soit presque 25 millions d’euros.
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