Utilisé dans la plupart des batteries de stockage d’électricité, le lithium est parfois montré du doigt pour son empreinte écologique. Il est exploité dans deux types de gisements : les saumures[1] pompées dans des nappes souterraines, principalement en Amérique du Sud, ou les minerais de spodumène[2] exploités dans des carrières à ciel ouvert. Des chercheurs américains ont comparé l’impact environnemental du lithium extrait par ces deux méthodes et les différences sont importantes.

Que ce soit pour l’équipement des véhicules électriques ou le stockage stationnaire d’électricité, les différentes variantes des batteries lithium-ion sont devenues un des maillons essentiels de la transition énergétique. Le lithium est un métal léger qui ne représente qu’environ 2 % du poids d’une batterie.

Contrairement à une (fausse) rumeur, il est relativement abondant sur terre. Comme le sodium, son cousin de la famille des alcalins (lequel est un des composants du sel de cuisine), on trouve du lithium dans l’eau des océans à raison de 18 mg/l. Même sans tenir compte de cette ressource, les réserves mondiales exploitables sont estimées aujourd’hui à 80 millions de tonnes. Au rythme de sa consommation actuelle, on en a pour plusieurs centaines d’années !

Pour des raisons économiques il est surtout extrait dans deux types de gisements :

  • les « saumures »[1] qui se trouvent dans des nappes souterraines, sous les «salars», c’est-à-dire les déserts de sel présents principalement en Amérique du sud (Bolivie, Argentine et Chili)
  • certains minerais riches en lithium comme le « spodumène »[2], exploités un peu partout sur la planète, y compris en Europe, mais ils sont surtout extraits en Australie, dans des carrières à ciel ouvert, où leur concentration en lithium est plus élevée. Aujourd’hui, 54% du lithium utilisé dans le monde provient de ce pays.
À lire aussi Les centrales géothermiques, un alibi pour extraire du lithium ?

Analyse du « cycle de vie »

Des scientifiques de l’Argonne National Laboratory (le Département de l’Energie aux Etats-Unis) ont comparé l’empreinte environnementale du lithium extrait des salars à celui provenant de minerais australiens. Leur étude démontre que les consommations d’énergie et d’eau ainsi que les émissions de gaz à effet de serre et de dioxyde de soufre associées à la production du lithium incorporé dans les batteries, peuvent varier considérablement selon sa provenance géographique ainsi que les méthodes utilisées.

Les chercheurs américains ont ainsi analysé le cycle de vie du lithium extrait des saumures pompées sous le Salar d’Atacama, le plus gros gisement du Chili et l’un des plus importants de la planète. Les sels de lithium y sont obtenus par évaporation de l’eau en utilisant une méthode semblable à la production de sel de cuisine dans les « marais salants ». Le carbonate ou l’hydroxyde de lithium sont ensuite purifiés par un processus chimique puis expédiés vers les usines qui fabriquent les matériaux de nos batteries.
Cette méthode de production a été confrontée à celle qui permet d’obtenir du lithium à partir des minerais de spodumène extraits dans les carrières australiennes. Les conclusions de la recherche révèlent des divergences significatives en matière d’impact écologique.

Une carrière de lithium en Australie

En résumé :

  • les émissions de gaz à effet de serre sont de 9 à 20 % plus faibles pendant le processus de fabrication du lithium pour batteries provenant du salar d’Atacama que pendant celui qui utilise le minerai des gisements d’Australie ;
  • les consommations d’eau douce sont plus faibles au cours du processus de production du lithium extrait des saumures que celles qui sont nécessaires pour extraire ce métal des carrières australiennes.
À lire aussi La France veut toujours extraire le lithium de ses eaux profondes

Des enseignements utiles pour les projets européens

Selon Jarod Kelly, l’auteur principal de l’étude, ces différences s’expliquent en grande partie par le type d’énergie utilisée : le soleil pour concentrer le lithium chilien, alors que la production de sels de lithium en Australie utilise principalement des énergies fossiles : du fioul pour les machines et du charbon pour le raffinage. Mais si la fabrication du lithium à partir du minerai de spodumène utilisait des énergies renouvelables, il est certain que l’écart entre les émissions de carbone se réduirait.

Ces enseignements devraient être pris en compte dans les projets européens de production de lithium. Comme nous l’expliquions dans des articles précédents, ces projets fleurissent en effet, notamment en France et surtout en Allemagne où une entreprise vend déjà le lithium contenu dans l’énorme gisement de la vallée du Rhin.

Selon les géologues, les nappes d’eau chaude souterraines situées dans une zone de 300 kilomètres de long et 40 kilomètres de large entre les Vosges et la Forêt-Noire (appelée fossé rhénan), pourraient contenir suffisamment de lithium pour fabriquer les batteries de 400 millions de véhicules électriques. Une perspective qui aiderait grandement l’industrie européenne à s’affranchir des fabricants asiatiques de batteries.

À lire aussi Cette société française va révolutionner l’extraction du lithium À lire aussi L’empreinte écologique des batteries : rumeurs et réalités

_________

[1] Une « saumure » est une eau très concentrée en sels et autres éléments solides dissous.  Les saumures se trouvant dans des nappes souterraines sous les « salars » d’Amérique du Sud sont chargées en lithium.

[2] Le spodumène est un minéral de la classe des silicates (LiAlSi2O6) qui contient du lithium