Des dômes de réacteurs nucléaires ? Un nouveau concept de cathédrale préfabriquée ? De futurs réservoirs d’hydrocarbures ? Rien de tout cela en réalité : il s’agit des fondations sur lesquelles s’élèveront les 71 éoliennes du parc offshore de Fécamp.
Les fondations d’une éolienne, c’est la partie immergée de l’iceberg. Pour saisir l’ampleur de ces mastodontes de béton et d’acier, il faut jeter un œil au port du Havre. Une fourmilière s’y agite depuis décembre 2020, pour ériger les 71 socles qui accueilleront les turbines du parc éolien offshore de Fécamp. Les photos du chantier publiées par EDF Renouvelables sont impressionnantes. On y voit de volumineux disques et cônes en béton armé, bien différents de ceux utilisés pour la plupart des éoliennes marines comme terrestres.
Une fondation immergée de 5000 tonnes
Il s’agit en effet d’un type de fondation par « béton gravitaire », peu utilisé jusque-là car plus coûteux. Avec le socle « monopieu » (pylône enfoncé dans le plancher marin), « jacket » (tourelle métallique) et flottant (base stabilisée par des ancres), c’est une des techniques permettant d’implanter des éoliennes en mer. Le principe est simple : l’ouvrage est si lourd qu’il n’a pas besoin d’être rivé aux fonds marins. Posé sur un lit de graviers, ses 5 000 tonnes suffisent à maintenir l’éolienne en place. Chaque fondation mesure 55 m de haut et s’étend sur un socle de 32 m de diamètre. Le chantier mené par Bouygues et Saipem doit s’achever durant l’été 2022.
Fournir de l’électricité verte à 770 000 personnes
Pour parcourir les 13 à 22 km qui séparent le port de leur zone d’implantation au large, les cônes seront placés par lot de trois sur une barge dotée de grues. L’immersion doit être réalisée courant 2023 pour une mise en service des turbines prévue pour 2024. Étendu sur 60 km², le parc éolien offshore de Fécamp développera une puissance maximale de 500 MW, soit l’équivalent d’un demi-réacteur nucléaire. Chaque éolienne Siemens Gamesa fournira individuellement jusqu’à 7 MW. Selon les prévisions, la centrale devrait produire l’équivalent de la consommation d’environ 770 000 habitants.
À lire aussi Feu vert pour le méga parc éolien en mer d’Oléron
Au fait… Avant de réaliser ces socles, a-t-on pensé à la pollution générée par la production des milliers de tonnes de béton nécessaires pour les réaliser ?
Voir ma réponse plus haut, entre 150 et 200kg de CO2 par tonne, à cela s’ajoute le transport et la pollution autour de la cimenterie. Toujours mieux qu’une centrale à charbon ou à gaz cela dit. Pour les autres énergies, vous êtes seul juge.
Donc, combien de temps faut-il pour compenser ce CO2 produit par la construction du socle et de l’éolienne, avec l’énergie produite par cette même éolienne ?
Il n’y a aucune mesure formelle pour calculer le temps nécessaire pour compenser une production de CO2 (il faudrait définir le temps que met un arbre à consommer ledit carbone, voir à calculer le temps que celui-ci met à se dissoudre dans l’océan, je doute qu’une personne sensée se lance dans un tel calcul au vue des paramètres à prendre en compte). Cependant, on a une valeur indicative du coût carbone comparé à d’autres types de production. En dehors d’un panneau solaire ou d’une centrale nucléaire, le résultat est sans appel en faveur de l’éolienne (et encore, ça dépend de… Lire plus »
Voici le calcul :
200kg de CO2 x 5000t de béton armé / 0.443kg de CO2 par kWh par une centrale gaz
=> 2,260millions de kWh=2,26gwh
Donc un bloc de béton équivaut à 2,26gwh produit par une centrale au gaz.
Une éolienne de 7mw montée sur sur ce bloc produit environ 14gwh/an
Le bloc est « rentabilisé » en 2 mois de production environ vs une centrale gaz.(1 mois vs centrale à charbon)
Quelle est la durée de vie du socle par rapport à celle de l’éolienne ? Peut-on remplacer l’éolienne en fin de vie par une nouvelle éolienne neuve sur le même socle ? Est-il prévu de démanteler le socle en fin de vie c’est à dire de l’enlever du fond de la mer ?
Le béton vit assez bien dans l’eau donc on peut imaginer qu’une seconde éolienne vienne remplacer la première (même s’il serait difficile d’adapter un modèle différent du fait des contraintes mécaniques mises en jeu). Cependant, passé un certain temps, il peut se fragiliser au point qu’ il devienne impossible de l’utiliser sous peine de le voir se fissurer (même si l’armature permet de réduire fortement les efforts sur le béton, augmentant ainsi sa durée de vie) voire de s’emietter. Il était question à une époque d’utiliser du béton pour reconstruire des récifs corallien, donc je pense que conserver ces socles… Lire plus »
Oui je suis d’accord, le béton et l’armature en ferraille sont biodégradables en mer et peuvent même favoriser la vie marine (support de coquillages et algues, poissons,…). Cependant, l’emplacement du parc éolien est en principe optimal et a fait l’objet d’une étude d’impact, donc la zone a vocation à perdurer longtemps pour cet usage éolien. Sur le long terme, si comme vous dites les socles atteignent leur durée d’usure, il faudrait alors les abandonner et repositionner de nouveaux socles (et éoliennes) neufs en décalé par rapport à la précédente génération car il ne serait pas possible de repositionner un socle… Lire plus »
C’est exact. C’est là un des problèmes des éoliennes (terrestre y compris). Quand le socle n’est plus assez résistant, il doit être changé. Sur terre, c’est assez simple de creuser autour, de la concasser et de l’extraire (ou de repartir ça aux alentours même si je doute qu’un paysan soit d’accord pour avoir du béton concassé sur ses champs). En mer, ça devient légèrement plus compliqué. Donc au choix, le faire exploser pour faire de la place (la biodiversité nous remerciera pour la belle onde de choc), trouver un système pour le réparer/renforcer ou l’implant er ailleurs (à côté comme… Lire plus »
Sur terre, on récupère les débris concassés de béton (on le les laisse pas sur place) : on peut les réutiliser par exemple pour des travaux publics de terrassement, de digues ou de comblement de vides souterrains. En mer, on ne va pas les faire exploser mais plutôt comme on a dit : le prochain socle neuf serait posé à côté. Voir cet article ci-dessous sur le démantèlement et le recyclage des éoliennes, la durée de vie des éoliennes est de 20 à 30 ans. Il y a un petit film de démantèlement du socle pour produire ensuite par concassage des… Lire plus »
Jean-Charles, la durée de vie de la fondation de béton d’une éoliienne est évidemment beaucoup plus grande que 20 à 30 ans, comme celle des fondations de la Tour Eiffel par exemple. Si on les remplace lorsqu’on installe une nouvelle éolienne, c’est parce qu’on fait un « repowering » : la nouvelle éolienne est plus grande et plus puissante et demande donc une fondation différente. D’ailleurs la durée de vie d’une éolienne est aussi plus grande que 20 à 30 ans. La toute première grande éolienne en Europe à été construite au Danemark en 1975 … et elle tourne toujours. Si on… Lire plus »
Ok merci pour les infos. Pour l’éolien terrestre, à l’image de la tour Eiffel dont on sait remettre à neuf les pièces métalliques alors que le socle a déjà 134 ans : même en cas de repowering il serait intéressant de prévoir un « meccano » permettant de refixer la nouvelle éolienne sans toucher au socle. Objectif : économie de matériaux et de recyclage. Pour l’éolien en mer, ces socles « cathédrales en béton » sont acheminés par lot de trois sur une barge dotée de grues, puis posés au fond de la mer sur un lit de graviers. En fin de vie des socles, l’opération… Lire plus »
En cas de repowering (et en supposant qu’on augmente la puissance, il n’y aurait aucun intérêt à la réduire), on se retrouverait avec des problèmes de faiblesses structurelles liées à la fois à l’usure du socle et à la plus forte surface de l’éolienne (jusqu’à présent et sauf grosse révolution technologique, plus de puissance veut dire plus gros/grand et donc, plus lourd et avec une plus grosse prise au vent). Donc réutiliser le même socle pour une éolienne différente pourrait s’avérer impossible. Cependant, on pourrait imaginer un sur-socle, plus léger et plus résistant (de la même forme mais sans fond)… Lire plus »
Eh oui, plus de 350 000 tonnes de béton juste pour les « fondations » et la moitié de puissance d’un réacteur nucléaire sur 60 km² (une ville comme Strasbourg). Il faut arrêter les bagarres nucléaire/ENR. Aucune n’est propre, toutes les « solutions » pompent nos ressources. Ce qui est certain, c’est que remplacer rapidement la production d’électricité du charbon, du gaz et du pétrole va demander des ressources considérables : des matériaux, de la transformation (et donc du CO2 en masse), de la surface (ahurissante) et des déchets, pour un résultat parfois décevant et surtout particulièrement onéreux. Plus le temps passe, et plus… Lire plus »
Effectivement, cela fait beaucoup de béton. Pourquoi n’ont-ils pas pensé à construire simplement une sorte de « panier » en béton, dans lequel on aurait versé des milliers de tonnes de caillasse, de blocs de béton récupérés d’un chantier de démolition, et autres choses pesantes, inertes, abondantes et de faible valeur?
J’imagine que le socle doit reprendre des efforts très importants quand une tempête fait bouger l’éolienne. Mais c’est vrai que cette quantité de béton interroge, j’aimerais bien voir le bilan carbone de la construction par curiosité.
Bonjour,
D’après le GES, le béton armé a une empreinte carbone de 150 à 200kg par tonne. À cela s’ajoute le déplacement de son site de fabrication à son site final. Pas très écologique mais toujours mieux qu’une centrale à charbon.
C’est l’éternel débat sur les énergies. Les gens ont du mal à comprendre qu’il n’y a pas de solutions magiques. À la décharge du grand public, on est noyé d’informations contradictoires (le plus souvent factuelle ment justes mais totalement à côté de la plaque car ne tenant pas compte des hypothèses). Il faut aussi y voir l’effet de l’intense lobbying de diverses factions (les plus grands défenseurs des énergies renouvelables sont les grands groupes de GNL qui espèrent que les renouvelables seront complétés par des centrales à gaz). Enfin, les diverses subventions étatiques et européennes conduisent certains investisseurs à faire… Lire plus »
Les terres rares dans une éolienne sont une fake news à répétition. S’il est vrai que l’inducteur de certains alternateurs et moteurs est fait d’aimants au néodyme (la terre rare dont il est question, autant la nommer directement), la plupart des grandes éoliennes ont un inducteur bobiné. Leur machinerie ne contient donc que de la ferraille et du cuivre, matériaux abondants et parfaitement recyclables.
Permettez moi de vous contredire. Les éoliennes contiennent bien des terres rares. Ce n’est pas obligatoire et elles peuvent très bien fonctionner sans, je vous l’accorde. Mais la grande majorité des éoliennes en mer fonctionnent avec aimant permanent (moins de maintenance, contrairement aux éolienne terrestre qui n’utilise que rarement les aimants).
PS: Les terres rares sont aussi abondantes (c’est un nom relativement mal choisi) mais polluant à l’extrême à extraire.
Source pour l’éolienne : https://www.siemensgamesa.com/en-int/products-and-services/offshore/wind-turbine-swt-7-0-154 – c’est le site même du fabricant, voir Technological highlights, puis Efficient direct drive technology
C’est exact, certaines éoliennes contiennent des terres rares (qui n’ont en réalité rien de rare), mais comme vous le dites, ce n’est pas une nécessité. Nous avons écris un article à ce sujet : https://www.revolution-energetique.com/dossiers/eoliennes-et-metaux-rares-rumeurs-et-realites/. Selon plusieurs études, seules 10% des éoliennes contiennent des terres rares. Par contre il est quasi certain que les moteurs de votre aspirateur, votre lessiveuse, votre frigo ou votre lave-vaisselle en contiennent, comme tous les petits moteurs électrique, et cela depuis très longtemps. Jusqu’il y a peu, ça n’a jamais choqué personne. Il a fallu qu’un journaliste en quête de sensationnel et de « scoop » fasse… Lire plus »
Justement, je dis et j’affirme, preuve à l’appui que les éoliennes de ce projet fonctionnent avec des aimants permanents, donc des terres rares, provenant de Chine et donc, avec une extraction dégueulasse pour la région. Oui, il est possible d’extraire des terres rares sans toit polluer autour. Mais soyons réalistes, on est dans une économie de marché, donc ça n’arrivera jamais tant qu’il n’y aura pas d’intérêt stratégique occidental à l’extraire à grand renfort de subvention. Personnellement, je ne verrais aucun problème à ce que mes impôts servent à payer pour une mine écologique en Europe. Par contre, que mes… Lire plus »
PS: de la même façon, il est tout à fait possible de réaliser des batteries et des panneaux solaires sans terre rare. C’est même économiquement plus rentable de réaliser un panneau solaire sans terre rare (et le bilan énergétique est meilleur, idem pour la recyclabilité) cependant, les terres rares sont encore présentes. On peut toujours s’en passer. Mais étant donné que c’ est au choix, l’industriel ou l’investisseur qui a le dernier mot (et que généralement, l’un comme l’autre font le mauvais choix pour une raison marketing/financière), je préfère que les subventions aillent là où il le faut, pas là… Lire plus »
D’autant plus que le néodyme n’est pas rare du tout puisque dans la croute terrestre sur les quelques 90 corps simples que l’on peut y trouver, le néodyme est le 28em, classés par ordre d’abondance décroissante. Le cuivre étant le 27e, il est donc à peine plus abondant que le néodyme.