En application de la loi de sortie du charbon récemment votée en Allemagne, l’agence fédérale des réseaux lance un appel d’offre visant à retirer 4 GW des capacités de production du parc de centrales électriques au charbon du pays. Ailleurs en Europe, plusieurs Etats sont sortis prématurément du charbon cette année. Une tendance qui devrait s’amplifier.
« La production d’électricité au charbon en Allemagne arrive à son terme », a déclaré Jochen Homann, le président de la Bundesnetzagentur en annonçant le premier appel d’offre visant le déclassement de 4 GW de capacité de production au charbon. Les exploitants des centrales mises à l’arrêt recevront des compensations. Les lauréats de l’appel d’offre seront évidemment ceux qui demanderont les compensations les moins élevées, mais l’évaluation des offres prendra aussi en compte les avantages en termes d’émissions de CO2 évitées par la fermeture des centrales soumissionnaires.
Depuis 2016, 14 centrales au charbon ont déjà éteint définitivement leurs chaudières outre-Rhin. Aujourd’hui il en reste encore 68 pour une capacité de production totale de 47.430 MW.
Sortie prévue en 2038
Malgré les critiques des organisations environnementales, le parlement allemand a adopté ce 3 juillet la loi visant à sortir le pays du charbon d’ici 2038 (la Kohleverstromungsbeendigungsgesetz). Les écologistes demandaient une sortie plus rapide de cette énergie fossile fortement émettrice de CO2.
En fonction des évaluations du suivi de la loi qui seront menées en 2026 et 2029, celle-ci prévoit toutefois que l’échéance de 2038 pourrait être avancée de trois ans. Le plan de sortie prévoit 40 milliards d’euros pour aider les régions minières à encaisser le choc social et à rebondir économiquement. Outre la fermeture des centrales, les nombreuses mines allemandes de lignite qui les approvisionnent en combustible devront aussi être abandonnées. Les centrales sont souvent situées à côté de ces mines à ciel ouvert, pour réduire les coûts de transport du combustible. On imagine que ces 40 milliards seront donc principalement affectés à des projets de reconversion économique des ces régions qui seront durement impactées.
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Pour les exploitants des centrales, Berlin promet 4,35 milliards d’euros d’indemnités, lesquelles seront allouées lors d’appels d’offres successifs qui seront lancés par la Bundesnetzagentur jusqu’en 2026. Celle-ci n’a pas traîné puisqu’à peine un mois après l’adoption de la loi, elle annonce donc déjà le premier round. La date ultime pour la réception de ces premières offres est fixée au 1er septembre. Pour l’instant, la compensation maximale est fixée à 165.000€/MW, cette aide devant être dégressive à l’avenir.
Dans un premier temps, les centrales du sud de l’Allemagne sont exclues des soumissions puisque, logiquement, les premiers appels d’offre privilégieront l’arrêt des installations les plus polluantes.
Précisons toutefois que la loi de sortie du charbon n’a pas encore reçu l’aval de la Commission européenne qui doit vérifier le respect des règles en matière d’aides d’Etat. Si Bruxelles ne donne pas son feu vert, l’entrée en vigueur de la loi pourrait être reportée et ce premier appel d’offres serait alors annulé.
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Fermetures prématurées en cascade
Rappelons que la France a programmé la fermeture de ses quatre dernières centrales au charbon d’ici 2022. Mais cette promesse de campagne électorale, hautement symbolique, ne sera pas complètement tenue : à Cordemais, en Loire-Atlantique, la production devrait tourner encore au ralenti jusqu’en 2024 ou 2026 afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la Bretagne. Et à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, l’incertitude demeure.
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Ailleurs en Europe, plusieurs pays sont déjà sortis du charbon cette année, en avance sur les plannings initialement prévus. L’Autriche a fermé sa dernière centrale au charbon en avril 2020. Elle fournissait de l’électricité à la ville de Graz depuis 34 ans. Quelques jours plus tard c’est en Suède que les chaudières de la dernière centrale au charbon du pays se sont définitivement éteintes, deux ans avant la date programmée. Et au Portugal, l’énergéticien EDP a annoncé début juillet la fermeture prématurée de sa centrale de Sines, la dernière du pays à brûler du charbon. Très polluante, elle produisait 13,8% du dioxyde de carbone émis au Portugal.
La raison de toutes ces fermetures anticipées est simple : l’augmentation du prix de la tonne de carbone en Europe rend l’électricité produite par le charbon plus chère que celle générée par les énergies renouvelables et les nouvelles centrales au gaz. D’autres pays devraient donc bientôt s’ajouter à la liste.
Quant à la Belgique, elle a été le premier pays européen à sortir du charbon dès 2016. Une décision qui n’a pas été prise par le gouvernement mais par les propriétaires de ces vieilles installations vétustes qui les ont remplacées par des centrales TGV (turbines gaz-vapeur) plus rentables.
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Toujours étonnant de voir les réactions des uns et des autres quand on parle production d’électricité. Pourtant les faits sont simples : les énergies intermittentes (éolien, solaire etc.) ne sont (malheureusement) pas pilotables à la différence du charbon, du gaz et du (diabolique) nucléaire… Les seules alternatives à la sortie conjuguée de ces trois sources d’énergie sont le stockage, avec les bienfaits écologiques qui l’accompagne, ou l’acceptation de coupures à répétition les nuits sans vent. Vérité si simple qu’elle déchaîne les passions de tout ceux qui en refuse l’évidence. Parmi les multiples rapport sur le sujet le plus intéressant est… Lire plus »
« Parmi les multiples rapport sur le sujet le plus intéressant est celui de l’Ademe sur le faisabilité d’un mix 100% renouvable en France en 2050 qui prévoit…. Le recours aux producteurs frontaliers en cas de survenue d’une fameuse nuit sans vent … Comble de l’ironie le rapport Allemand prévoit la même chose. » Et oui, c’est comme ça. Nous avons construit un marché commun de l’électricité où chacun dépend un peu de l’autre. Nous en bénéficions tous car dès qu’on ne peut plus assez produire, le voisin est bien content de nous vendre son surplus. Avec les nouvelles connexions vers le… Lire plus »
L’affaire suit son cours dans toute l’Europe, mais on pourrait espérer une accélération car la démarche parait hésitante. Pour l’Allemagne, même 2035, c’est dans 15 ans, et si c’était pour remplacer le charbon par un EPR, on comprendrait mais un parc éolien se monte en deux ans, et on peut en faire plusieurs en même temps, le tout pour le prix d’un EPR.
En Allemagne les renouvellables ont produit en 2020 pour l’instant 55% de l’électricité nette et le charbon est tombé pour la première fois en dessous de 20% (il faut bien sur attendre la fin de l’année pour avoir les chiffres définitifs). Pour suprimer les 20% restants, construire des éoliennes ne suffit plus, il faut develloper des solutions de stockages, d’effacement de la consommations et finir les liaisons hautes tensions nord-sud en cours !
Expliquez nous pourquoi la construction de nouvelles éoliennes (et fermes solaires) ne suffisent plus pour supprimer les 30% encore dues au charbon ? Plutôt que des allégations je préfère les démonstrations. Il n’y a pas de rapport directe entre le besoin de stockage et l’arrêt du charbon. En parlant de stockage vous faites une confusion entre le besoin de disposer d’énergie et le fait de la mettre en conserve. Disposer d’une boîte de conserve a énergie est une façon de résoudre le manque de fourniture d’énergie directe entre la production et la, consommation, mais loin d’être la seule façon de… Lire plus »
Continuer à construire des éoliennes et du solaire est bien entendu nécessaire, mais pas suffisant. Pour comprendre le problème, il ne faut pas regarder la part des renouvelables sur l’année, mais la production instantanée.
La moyenne journalière donne déjà une idée sur la variabilité: https://energy-charts.de/ren_share.htm?source=ren-share&period=daily&year=2020
L’Etude pointeée par Gaultier n’est pas une prevision mais un scenario indiquant la capacité de production pilotable necessaire dans les années a venir.
@perlybird « Pour comprendre le problème, il ne faut pas regarder la part des renouvelables sur l’année, mais la production instantanée. »…. ?????????? Quel rapport avec la nécessité de stocker ? Je dirais plutôt que l’on comprend le problème si on a une solution pour fournir l’électricité quand on en a besoin. Et cette solution ne consiste pas à se précipiter sur le problème du stockage qui suppose d’abord que l’on a surabondance de production avec les moyens variables (éolien ou solaire) pour se permettre de les stocker au lieu de les utiliser directement, ce qui est encore loin d’être le cas. Le problème c’est… Lire plus »
Actuellement a Allemagne il y a grosdo modo 100GW de renouvellable non pilotable et 100GW de conventionel + renouvellable pilotable. D’ici 2035, la moitié des centrales pilotable actuellement en service (nucleaire+charbon) vont être mis à l’arrêt. Le biogaz, je trouve ça très bien, mais 50GW de biogaz en 15 ans, faut pas rêver. Le biogaz est d’ailleur une forme de stockage de l’energie solaire. Ce qui est plus réaliste, c’est d’augmenter progressivement la part de biogaz pour remplacer le gaz naturel. Je n’ai jamais dit que le stockage est la solution miracle, jusque que plus on se rapproche des 100%… Lire plus »
Que les Allemands soient arriver à une production de 50 GW en 15 ans ou en 2 ans n’a rien à voir avec le problème. Il s’agit seulement d’avoir disponible en permanence ce dont on a besoin en cas de défaut d’appro électrique par les éoliennes et le Solaire, et avec une puissance de 50 GW ils sont déjà capables de compléter sans problème les faiblesses de ces deux sources comme on peut le voir dans les vallées du graphe auquel vous avez vous même renvoyé : https://energy-charts.de/ren_share.htm?source=ren-share&period=daily&year=2020 A condition d’utilisé ce gaz pour faire tourner des alternateurs au lieux… Lire plus »
Je ne parle pas de « production de 50GW » mais de puissance installée. Ce que le graphique montre que c’est justement grace à leur centrales aux charbon qu’ils arrivent actuellement à passer sans encombre les phases sans vent et sans soleil. Si ils decident de décommissionner 50GW de puissance installée sans construire quelque chose d’autre et bien ils n’ont plus assez de puissance pilotable nécessaire pour supporter ces phases sans black-out. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut arrêter de construire des éoliennes, bien au contraire.
« production 50GW » ne veut rien dire, j’ai bien compris qu’il s’agit de 50 GW de puissance installée. C’est à dire qu’ils peuvent injecter directement sur le réseau 50 GW de puissance biogaz reconvertit en électricité à travers des centrales à gaz, et cela pendant 1 mois durant puisque ce biogaz représente 8;4% de leur mixe électrique. Mais le graphique dont on parle montre la part de l’ensemble des renouvelables incluant cette fourniture de biogaz. Le charbon, pétrole et gaz naturel fournissent donc ce qui manque (la partie blanche) pour arriver à 100%. Un graphique du renouvelable sans le biogaz (donc… Lire plus »
Pour ce qui est la part des renouvellables dans son mix d’électricité, l’Allemagne est en avance sur son propre plan. (par contre elle est en retard sur d’autre plans comme le secteur du transport): certains jours, les renouvellables représentent déjà 80% et certains parc éoliens sont parfois obligé de limiter leur production, faute de liaisons hautes tension vers le sud ou vers ses les pays voisins. L’Allemagne est le deuxième plus gros exportateur d’électricité en europe après la France. Donc actuellement, le facteur limitant n’est pas vraiment le nombre d’éoliennes mais les infrastructures et le manque de consommateurs a certains… Lire plus »
Pour ça on est d’accord.
Mais ce problème de transport n’est que la conséquence de leur géographie. Ils n’ont pas la chance d’avoir la mer, au Nord, à l’Ouest, et au Sud…. comme nous. Nous n’aurions pas ce problème. Ils se retrouvent avoir les problèmes que nous avons avec le nucléaire où très peu d’endroits différents produisent des supers puissance qu’il faut éclater ensuite en des myriades de petits besoins et donc d’énormes puissances à transporter. Pour eux le problème est d’origine géographique et pour nous l’origine du PB est notre bêtise.
Pour ce qui est de la « surabondance de production avec les moyens variables »…
En fait ça commence à devenir un vrai problème pour l’Allemagne: chaque année, l’équivalent de la production annuelle d’une centrale nucléaire n’a pas pu être produite, et ce n’est bien sur que le début!
https://de.statista.com/statistik/daten/studie/665177/umfrage/menge-des-abgeregelten-windstroms-in-deutschland/
Par « produite », je suppose que vous voulez dire « utilisée », mais ce n’est un problème que parce que c’est en avance sur le plan de l’utilisation de cette énergie « gratuite ». les parcs éoliens seront certainement dans quelques temps tous équipés de dispositifs de stockage d’énergie genre conversion H2. Tout cela n’est qu’une question de temps alors que la plupart des gens en France tout au moins son persuader que sans nucléaire point de salut, que le 100% ENR est impossible, et que les éoliennes sont nocives…. alors l’urgence est surtout dans la compréhension, que le stockage arrive un peu plus tôt… Lire plus »
Non produite veut dire que certain parc éoliens sont forcés de mettre leurs éoliennes à l’arrêt, faute de consommateurs où de possibilité de les fournir. Ce n’est pas tout à fait gratuit, parce dans ce cas les producteurs sont indemnisés pour leur arrêt forcé et le montant tourne dans les environs du milliard par année! Ce coût est en fin de compte reporté sur le prix au kilowattheure payé par les consommateurs (c’est le principe du « EEG-Umlage »)
Je ne sais pas si les investisseurs en parc éoliens sont indemnisés lorsqu’en surabondance on les déconnecte du réseau en Allemagne, ni même en France, mais c’est certainement une bonne solution provisoire. C’est-à-dire pour ne pas déjà décourager les investisseurs. Mais cela aura une limite dans le temps au fur et à mesure que les pays s’équipent. Car il arrivera un moment où dès que les conditions météo favoriseront l’éolien la moitié du temps au-delà du besoin immédiat entrainant l’arrêt des éoliennes, il suffira de supprimer ces indemnités ou plutôt les diminuer de plus en plus pour favoriser la création… Lire plus »
Etude de FRAUNHOFER sur cette transition et le parc pilotable nécessaire