Un inventeur français est parvenu, à la fin des années 1800, à dompter le soleil pour produire de l’énergie. Il s’en est fallu de peu pour que son invention marque à jamais l’histoire de l’énergie.

Le nom d’Augustin Mouchot ne vous dit peut-être rien. Mais il s’en est fallu de peu pour que cet inventeur français façonne le paysage énergétique d’aujourd’hui. Dès 1866, celui-ci s’intéresse à l’énergie solaire, et commence à développer des concentrateurs solaires. Ses inventions attirent même l’attention de Napoléon III, qui lui accorde une subvention pour poursuivre ses expérimentations. Ce travail culmine lors de l’Exposition universelle de 1878, à Paris, lors de laquelle il présente une machine solaire capable d’activer une pompe à eau.

Deux ans plus tard, comme l’explique le maître de conférence Frédéric Caille dans un récent article pour The Conversation, une Commission des appareils solaires est créée dans le cadre d’un projet de chemin de fer transsaharien. Celle-ci a pour objectif d’évaluer la potentielle utilisation de l’invention d’Augustin Mouchot et son associé Abel Pifre pour la recharge en eau des locomotives.

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Standardisation versus adaptation

Dans le cadre de ce projet, durant l’année 1881, de nombreux essais sont réalisés pour tester l’intérêt et les éventuelles limites de la machine à vapeur solaire d’Augustin Mouchot. La commission qui encadre ces essais entrevoit de nombreuses possibilités d’applications du concentrateur avec l’ajout d’une pompe ou d’un moteur rotatif, permettant la distillation d’alcool, la cuisson de nourriture, ou même le chauffage et la cuisson de matériaux. La commission évoque même la possibilité d’en faire une pile thermoélectrique.

À l’époque, le potentiel énergétique de cette solution paraît déjà vaste, et il n’aurait pas été surprenant de voir cette invention intégrer rapidement le paysage industriel pour répondre à des besoins spécifiques. D’ailleurs, le recours à cette technologie en plein cœur du Sahara fait sens, et aurait pu constituer la première étape d’un véritable développement industriel.

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Une invention terrassée par le charbon

Néanmoins, André Crova, un docteur en physique électrochimique qui a la charge de superviser les essais de la commission, ne voit pas les choses de cette manière. Durant les essais en question, André Crova s’acharne à tenter de calculer le rendement théorique de la chaudière expérimentale, pour en souligner les limites. Dans son rapport, paru en 1882, il préfère mettre en avant son opinion personnelle sur une potentielle application en France, en comparant cette solution au charbon.

Il faut reconnaître qu’à cette époque, le charbon avait su conquérir le monde grâce à sa grande disponibilité, sa constance et sa régularité. Mais, plusieurs limites des énergies fossiles étaient déjà mises en avant par certains scientifiques et économistes. L’économiste William Stanley Jevons soulignait dès 1865 que les ressources de charbon du Royaume-Uni n’étaient pas inépuisables, et que sa raréfaction allait notamment conduire à une hausse des coûts. En parallèle, la pollution de l’air et l’impact du charbon sur la santé commençait déjà à être documenté. Dans ce contexte, l’invention d’Augustin Mouchot aurait pu permettre de diversifier les modes de production d’énergie et offrir des alternatives décarbonées, à l’image d’Aristide Bergès, qui est parvenu à populariser l’énergie hydraulique sur la même période.