Alors que l’EPR de Flamanville a fait exploser le budget, le programme des 6 EPR2 semble bien parti pour en faire autant. Doit-on continuer dans cette voie pour assurer l’indépendance énergétique de la France ?
La relance du nucléaire, amorcée par Emmanuel Macron, est-elle vraiment une bonne idée ? À en croire son dernier rapport, la Cour des Comptes semble sceptique. L’institution publique dénonce non-seulement « la rentabilité médiocre » qui attend l’EPR de Flamanville, mais également ce qui manque actuellement pour que le programme de construction de 6 EPR2 soit une réussite.
Dans ce rapport, la Cour des Comptes pointe du doigt « des incertitudes préoccupantes sur l’absence de financement du programme et sur l’avancement de la conception de l’EPR2 ». Aussi, l’institution questionne sur le potentiel impact négatif des chantiers menés à l’étranger par EDF, comme le réacteur de nucléaire Hinkley Point C. Face à cette situation, on pourrait légitimement se poser la question de savoir si le choix de l’EPR2 est le bon, et des potentielles alternatives.
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De leur côté, l’Américain Westinghouse et le coréen KEPCO connaissent, eux aussi, des difficultés avec la mise en service de leurs réacteurs. Westinghouse a bien mis en service un nouveau réacteur en 2023 dans la centrale de Vogtle. Mais ce réacteur, premier modèle AP1000 des USA, a nécessité 10 ans pour un coût de 15 milliards de dollars. KEPCO a récemment mis en service la centrale de Barakah, aux Émirats Arabes Unies. Composée de 4 réacteurs APR1400, elle aurait coûté 24,4 milliards de dollars, soit 6,1 milliards par réacteur pour une durée de travaux de 9 ans pour chaque réacteur.
En réalité, le problème est plus profond qu’une question de design de réacteur, ou d’élaboration d’un budget. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les projets d’Olkiluoto 3, d’Hinkley Point C ou de Flamanville 3 aux deux EPR construits à Taishan. Alors que la durée moyenne des chantiers européens dépasse les 15 ans, les deux EPR chinois ont été construits en moins de 10 ans. De la même manière, face aux 11 milliards d’euros de Olkiluoto 3 et aux 19 milliards de Flamanville 3, chaque EPR chinois n’aurait coûté « que » 6,1 milliards d’euros.
À lire aussi Voici la carte des centrales nucléaires en construction dans le mondeCette différence s’explique en grande partie par la très forte activité nucléaire de la Chine, qui compte une trentaine de réacteurs en construction sur son territoire. Cette forte domination lui permet de partager le leadership technologique avec la Russie, et ainsi de disposer d’un très important réservoir de compétences.
À l’inverse, les filières nucléaires européennes et même américaines n’en sont pas au même stade. Avant, Flamanville 3, la France n’avait pas mis de réacteur en service depuis 2000. La dernière mise en service d’un réacteur nucléaire de 1995 au Royaume-Uni et de 1980 en Finlande !
C’est en forgeant qu’on devient forgeron
Deux solutions se présentent donc à la France :
- Faire confiance aux deux pays qui ont dessiné 48 des 52 réacteurs en construction depuis 2017, à savoir la Russie et la Chine.
- Créer une filière forte, capable de concurrencer les références nucléaires mondiales.
Compte tenu du contexte international, il apparaît évident que la première solution n’en est pas une. Ainsi, le choix des EPR2 semble incontournable, car il permet de garder une certaine souveraineté technologie, et les entreprises américaines ou coréennes ne proposent pas d’alternatives beaucoup plus intéressantes en termes de budget. Néanmoins, face aux défis de restructuration d’une filière aussi exigeante que celle du nucléaire, l’appui de l’État sera indispensable à EDF. D’ailleurs, si la Cour des Comptes a laissé entendre que les projets étrangers tels que Hinkley Point C ou Sizewell C pouvaient être des freins au développement du programme des 6 EPR2, ils peuvent également être vus comme des étapes importantes de cette restructuration, permettant notamment d’emmagasiner des retours d’expérience.
Il faut actualiser les chiffres: le coût de 19 milliards euro constant 2015 est déjà dépassé: c’était la valeur estimé en 2020. La court des compte vient de publier un coût de Flamanville à 23,7 milliards soit 20,4 milliards en euros constant de 2015.
Pas fan de l’EPR2 (surtout avec vibration). Pour ma part, je suis pour la 4éme génération afin de fermer le cycle du combustible et surtout utiliser notre stock d’U238, ce qui nous assura une autonomie en production électrique sur quelques siècles…
Pour les vibrations, on attendra de voir lorsque l’EPR2 existera dans le monde réel.
Pour la 4G, on peut même passer des siècles aux multi-millénaires si on ajoute l’uranium dissous dans l’eau de mer.
Le design de l’EPR2 n’est même pas encore finalisé officiellement, donc comment savez vous qu’il y aura des problèmes de vibrations ?
Et attendre les surgenerateurs c’est comme attendre Godot et je suis personnellement pas un fan du sodium liquide. On a put voir ce que ça peut donner comme dans la centrale japonaise de Monju.
En effet, je me suis emmêlé les pinceaux dans la version1 et 2 de l’EPR.
Espérons qu’ils corrigent également ces problèmes sur la version 2.
Concernant la 4éme génération, oui avec l’uranium dissous dans l’eau de mer, on a le temps de voir venir.
Mais comme dirait P. Bihouix, de l’énergie pour faire quoi?
Un chantier de réacteur, c’est un chantier colossal. Dans les années 70, il nous a fallu 7 ans seulement (1971 à 1978) pour construire Fessenheim 1 et 2, alors que la maîtrise du processus était également partielle et les technologies moins avancées, mais on a eu la « chance » de bénéficier du retex de Westinghouse car les réacteurs PWR 900W étaient sous licence de cet américain. D’ailleurs le nom complet de FRAMATOME est « Franco-américaine de constructions atomiques » datant de 1958. La question première à se poser est : avons-nous mis en œuvre les bonnes personnes en matière de chef de chantier… Lire plus »
A lire votre article, KEPCO avec 4 réacteurs APR1400 construit récemment, 9ans par réacteur et 6.1Mds € (exactement le cout chinois) semble aussi performant que la Chine.
Désolé, votre article peut donc être qualifié de partial. Et on peut sur ces critères comprendre le choix objectif de la Pologne pour ses futures réacteurs.