Entre janvier et août 2024, la consommation française d’électricité n’a augmenté que de 0,3 terrawattheures (TWh). C’est faible, au regard des projections du document cadre de Réseau de transport d’électricité (RTE), futurs énergétiques. Cela reste préoccupant bien que la décarbonation soit à l’état de plan ou de mise en œuvre.

La transition énergétique de la France, qui vise à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, repose sur une électrification massive des usages pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le recours accru à l’électricité doit permettre de substituer des énergies fossiles dans plusieurs secteurs, notamment l’industrie, le transport et le bâtiment. Pourtant, malgré l’ambition de cette stratégie, la demande d’électricité peine à suivre la trajectoire espérée, soulevant des questions sur la capacité du pays à atteindre ses objectifs climatiques.

Un retard sur les objectifs jugés ambitieux

D’après les prévisions du gestionnaire du réseau électrique français (RTE), la consommation annuelle d’électricité devrait atteindre entre 580 et 640 TWh d’ici 2035, avec une croissance annuelle de 10 à 15 TWh à partir de 2025. Cependant, les données récentes montrent une stagnation inquiétante. Entre janvier et août 2024, la consommation n’a augmenté que de 0,3 TWh par rapport à l’année précédente, bien loin des prévisions à long terme. En 2023, la consommation avait même chuté de 14,5 TWh en raison d’un hiver relativement doux et d’une baisse de l’activité économique.

Ce phénomène, qualifié d’« atone » par Xavier Piechaczyk, président de RTE, pourrait paraître contradictoire face à l’urgence de développer de nouvelles capacités de production d’électricité bas-carbone, qu’elles soient d’origine nucléaire ou renouvelable. Le contraste entre la baisse actuelle de la demande et les besoins futurs laisse certains observateurs perplexes quant à la capacité de la France à maintenir une trajectoire de décarbonation cohérente.

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Un contexte économique défavorable et une météo clémente

Pour Frédérik Jobert, secrétaire général adjoint à la planification écologique, interviewé par Montel News, il n’y a pas de contradiction fondamentale avec les objectifs climatiques. La baisse temporaire de la demande serait surtout due à un contexte économique fragile et à une météo plus clémente. « Une augmentation plus significative de la consommation est attendue à partir de 2030, lorsque les investissements dans les infrastructures auront été réalisés et que la transition énergétique se sera accélérée dans l’industrie et les transports », assure-t-il.

Cependant, certains experts estiment qu’il pourrait être nécessaire de réviser les hypothèses actuelles. Phuc-Vinh Nguyen, chercheur à l’institut Jacques Delors, souligne que les scénarios de décarbonation reposent sur des prévisions qui pourraient ne pas tenir compte des évolutions récentes, notamment sur le plan des prix de l’électricité. Il évoque, dans un entretien accordé à Montel News, notamment le manque de visibilité pour les industriels sur le prix futur de l’électricité, un facteur clé dans la décision d’électrifier les processus de production.

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Les prix instables de l’électricité affectent la consommation

Le prix de l’électricité sur le marché de gros reste aujourd’hui incertain, ce qui rend difficile pour les industriels de planifier leur transition vers des solutions électriques. Le mécanisme de vente de l’électricité nucléaire après 2025 n’a toujours pas été pleinement défini, malgré l’accord conclu en novembre 2023 entre EDF et le gouvernement pour un prix moyen de 70 €/MWh sur la période 2026-2040.

Face à cette situation, le gouvernement et les acteurs du secteur énergétique plaident pour la patience, estimant que la demande d’électricité finira par augmenter avec la mise en place des infrastructures de décarbonation, encore à l’état de projet ou en construction. Cependant, l’inertie actuelle, dans un contexte de crise énergétique et de volatilité des prix, pourrait rendre nécessaire un ajustement des scénarios pour assurer que la transition énergétique se fasse à un rythme compatible avec les objectifs de neutralité carbone.