Vanté pour ses nombreuses qualités, et en particulier sa capacité à stocker le carbone, le biochar a, depuis quelques années, le vent en poupe. Porté par de nombreux projets destinés à générer des crédits carbone, il pourrait être un allié indispensable de la transition énergétique.
1541, Amérique du Sud. Le navigateur espagnol Francisco de Orellana descend le fleuve Amazone, et rapporte dans ses cahiers la description d’une civilisation dense, à l’agriculture riche et sophistiquée. De cette description, il ne reste plus rien, si ce n’est la Terra Preta, une terre sombre à la fertilité exceptionnelle que l’on retrouve au cœur de la forêt amazonienne. Créée par l’homme durant l’époque précolombienne, cette terre tient une partie de sa richesse à sa teneur en un élément aujourd’hui de plus en plus prisé : le biochar.
Pendant longtemps oubliée, cette poudre noire est désormais obtenue grâce à la pyrolyse de la biomasse dans des fours spécialement conçus. Cette opération consiste à chauffer la matière organique à une température comprise entre 350°C et 650°C sans oxygène. Le biochar bénéficie d’un regain d’intérêt pour ses capacités qui vont au delà de la simple amélioration de la qualité d’un sol. En 2018, le GIEC l’a reconnu comme technologie d’émission négative pour son rôle de puits carbone. Une tonne de biochar peut, en effet, stocker de manière stable et durable l’équivalent de 2,5 tonnes à 3 tonnes de CO2.
Ainsi, la combinaison de cette capacité à stocker le carbone, et à améliorer la qualité des sols a entraîné un véritable engouement pour ce matériau que certains n’hésitent pas à qualifier de « nouvel or noir ».
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Au-delà des nombreux témoignages qui vantent l’impact du biochar sur la fertilité des sols, les études scientifiques sur le sujet se multiplient pour évaluer ces bienfaits et comprendre les mécanismes qui y sont associés.
En août 2023, une étude a été publiée en ce sens par l’université A&M du Texas. Celle-ci portait sur les effets d’un biochar obtenu à partir de résidus de culture de blé sur une culture de tomates. Différents paramètres ont été observés, comme la croissance des plants de tomates et le développement de leur système racinaire, ainsi que la diversité microbienne du sol. Les résultats de cette étude ont été saisissants, puisque les chercheurs ont découvert que le microbiome du sol traité bénéficiait à la fois d’un accroissement de l’activité de plusieurs microbes bénéfiques à la plante, ainsi qu’une réduction de l’activité de certains champignons pathogènes. De plus, l’activité symbiotique entre la plante et le microbiome s’est également trouvée améliorée. Si cette étude ne montre pas d’effet immédiat du biochar sur le rendement des plants de tomate, elle pose les bases d’effets sur le long terme du matériau, une fois incorporée dans le sol.
D’autres études ont également démontré la capacité du biochar à améliorer la fertilité d’un sol grâce à un rôle restructurant qui permettrait aux plantes de mieux absorber les nutriments, même dans un sol historiquement pauvre, comme c’est le cas dans la forêt amazonienne.
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Les possibles applications du biochar ne se limitent pas à l’agriculture, puisqu’il pourrait même participer à la décarbonation du béton, une aubaine quand on sait que celui-ci est responsable de 7% à 8% des émissions de CO2 à l’échelle de la planète. Ces émissions sont principalement causées par le processus de fabrication du ciment, un liant composé de clinker : un matériau obtenu par la cuisson à très haute température (environ 1400°C) d’un mélange de calcaire et d’argile. Outre l’énergie nécessaire à la montée en température du matériau, la réaction chimique qui en résulte entraîne un dégagement de CO2 issu du calcaire. En France, selon un rapport de CIM Béton de 2018, l’empreinte carbone du ciment se situe aux alentours 624 kg eq CO2/t.
Que vient faire le biochar dans cette histoire ? Il vient tout simplement équilibrer le bilan carbone du ciment en étant ajouté à la formulation de celui-ci. En France, le cimentier Vicat a réussi à créer un nouveau liant, appelé Carat, qui a la particularité d’avoir une empreinte carbone de -15 kg eq CO2/t. En d’autres termes : il stocke du carbone !
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Pour l’heure, le biochar est encore peu utilisé car il a un (très) gros défaut : il coûte cher. En Europe, la tonne de ce matériau se négocie généralement entre 600 euros et 800 euros. Or, la quantité requise pour un usage agricole est de l’ordre de plusieurs tonnes par hectare, un coût financier trop élevé pour un grand nombre de culture.
Mais cela pourrait bientôt changer, car sa capacité à stocker du carbone est de plus en plus mise à profit pour générer des crédits carbone. C’est, par exemple, ce que propose la startup française NetZero, qui a ouvert deux usines de production de biochar, dont la première se situe en Afrique et la deuxième en Amérique du Sud. Le biochar obtenu, particulièrement efficace pour des sols tropicaux, est revendu aux agriculteurs locaux.
En France, la société Carbonloop promeut la décarbonation énergétique des sites industriels avec la mise en œuvre d’une solution de pyrolyse de biomasse permettant de produire de la chaleur, de l’électricité ainsi que du biochar qui pourra ensuite être revendu.
Désormais, il reste à la filière de trouver un équilibre économique permettant de rendre le tarif du biochar abordable grâce à la vente de crédits carbone.
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Malgré cette dynamique encourageante, le biochar doit faire l’objet d’une production mesurée, comme toutes les technologies résultant de la biomasse. Car si son bilan carbone est positif avec des résidus de culture, il devient mauvais dès lors qu’il est produit à partir de forêts anciennes ou de forêts primaires. D’autre part, une production trop intensive pourrait entraîner des conflits d’usage en limitant la disponibilité de matières premières pour la construction bois ou encore la biomasse.
Bel article
Oui , à ceci près que dans le 2ème paragraphe il n’est pas indiqué la production de CO2 lors du chauffage ( présente dans l’avis de 2018 du GIEC ?).