Cet été, Révolution Énergétique retrace une partie de l’histoire des énergies. Ces « premières fois » où de l’électricité est sortie d’une centrale nucléaire, d’une éolienne ou d’une centrale hydroélectrique. Ces grandes étapes souvent méconnues, où le premier panneau photovoltaïque a été installé, où la première pompe à chaleur a délivré des kilowattheures de froid ou de chaud « bas-carbone ». Cette semaine, nous nous intéressons à la première fois que de l’électricité a été produite grâce à la force motrice de l’eau.
Première source d’énergie renouvelable de la planète avec 15,1 % du mix électrique mondial, l’hydroélectricité possède une histoire courte, mais intense. Apparu à la fin du XIXe siècle, ce moyen de production d’électricité a connu une progression mondiale fulgurante à travers tout le siècle suivant.
Utiliser l’énergie des fleuves et des rivières est une idée qui remonte à bien longtemps. Dès le troisième siècle avant JC, l’homme invente la roue hydraulique pour actionner des moulins à blé. Plus tard, ce principe est utilisé pour produire de l’énergie mécanique pour de nombreuses industries comme le textile ou la métallurgie. Il faudra cependant attendre la fin des années 1800 et des progrès technologiques majeurs pour que de l’électricité soit produite grâce à l’énergie cinétique de l’eau.
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Employée depuis des siècles, l’énergie hydraulique se perfectionne drastiquement durant le XIXe siècle, notamment grâce à l’invention de la turbine qui permet d’obtenir de meilleurs rendements que les roues à aube. Les premières turbines Francis sont installées dès la fin des années 1840 tandis que la turbine Pelton, adaptée aux chutes de très grande hauteur et faible débit, est inventée en 1878.
Parallèlement, dans les années 1860, l’inventeur belge Zénobe Gramme perfectionne la machine dynamoélectrique inventée par Antonio Pacinotti. Cet appareil, aussi appelé dynamo, rend possible la conversion d’une énergie mécanique en électricité. La première génératrice industrielle de courant continu est présentée à Paris en 1871. Enfin, en 1879, Thomas Edison fiabilise et popularise l’ampoule à incandescence inventée Joseph Swan. L’éclairage des habitations, des rues et des lieux publics, est le premier motif de déploiement commercial du réseau électrique.
À lire aussi A La Coche, EDF inaugure la centrale hydroélectrique la plus puissante de France1882, une année décisive pour l’hydroélectricité
C’est en 1882 qu’on peut véritablement parler des débuts de l’hydroélectricité. Cette année-là, aux États-Unis, Thomas Edison travaille sur la première centrale électrique au monde fonctionnant grâce à la vapeur, à New York : la Pearl Street Plant. Cette centrale est censée alimenter 1 200 lampes réparties dans 85 maisons par l’intermédiaire d’un réseau électrique d’une trentaine de kilomètres.
À 1 500 km de là, dans le Wisconsin, H.J. Rogers, président de la papeterie Appleton, entend parler de ces travaux. Il décide de s’en inspirer afin d’alimenter deux papeteries locales, dont la sienne, ainsi que son domicile au moyen d’une centrale hydroélectrique qui utilisera l’énergie de la Fox River. Les travaux de cette première centrale au fil de l’eau appelée Vulcan Street Plant démarrent avant même que la centrale vapeur d’Edison ne soit finie. Le 30 septembre 1882, 26 jours seulement après la mise en service de la centrale d’Edison, la roue hydraulique de Vulcan Street Plant entraîne pour la première fois une génératrice Edison de type K, d’une puissance de 12,5 kW, et commence à produire de l’électricité.
À lire aussi Peut-on construire de nouvelles centrales hydroélectriques en France ?En France, c’est Aristide Bergès qui, le premier, parvient à utiliser l’énergie hydraulique pour alimenter en électricité sa papeterie située dans les Alpes. Visionnaire, il avait, dès 1878, loué les avantages de l’énergie hydraulique en la qualifiant de houille blanche par opposition au charbon, aussi appelé houille noire. Grâce à l’utilisation de turbines et de conduites forcées, il obtient des puissances mécaniques très importantes capables d’activer de nombreuses machines comme des défibreurs, servants à transformer le bois en pâte à papier. En 1882, il parvient à générer 1 200 chevaux de puissance mécanique grâce à une conduite forcée de 480 mètres de long. La même année, il associe une conduite forcée de 500 mètres de long à une dynamo de type Gramme, ce qui lui permet de produire de l’électricité et d’éclairer son usine.
Première énergie renouvelable au monde
Très rapidement, la production hydroélectrique connaît un succès fulgurant des deux côtés de l’atlantique. Aux États-Unis et au Canada, on dénombre près de 45 centrales en 1886 et plus de 200 en 1889. En Inde aussi, on voit apparaître les premières installations hydroélectriques dès 1898 avec les centrales de Darjeeling et de Shimsha.
En France, c’est pendant la Première Guerre mondiale que l’hydroélectricité va connaître un essor important. À cette période, les régions productrices de charbon sont occupées, des installations hydroélectriques sont construites pour participer à l’indépendance énergétique du pays. En résulte une augmentation de 80 % de la puissance installée entre 1914 et 1919. Enfin, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1960, les centrales hydroélectriques se multiplient massivement. Sur cette période, 120 barrages seront construits et les aménagements du Rhin et du Rhône seront poursuivis.
À lire aussi Notre visite dans une micro-centrale hydroélectrique citoyenneDésormais, l’heure est au gigantisme, en particulier en Chine. Le pays compte, en effet, 8 des 20 barrages hydroélectriques les plus puissants au monde, et ont tous été mis en service après 2008. Première énergie renouvelable avec 1 397 GW de puissance installée dans le monde et 4 408 TWh de production annuelle, la force des fleuves et des rivières est désormais largement domestiquée. Mais dans un contexte de transition énergétique globale, de nombreuses entreprises cherchent encore à maximiser le potentiel de l’énergie hydraulique pour la production d’électricité, notamment grâce à l’énergie des marées, aussi appelée énergie marémotrice. C’est cette énergie qui permet de produire de l’électricité au barrage de la Rance, en Bretagne.