Il y a de l’énergie potentielle dans nos déchets ! Et il est tout à fait possible de la valoriser à l’échelle d’un foyer en produisant du biogaz. Il existe aujourd’hui de nombreuses initiatives, certains le proposent via l’autoconstruction, d’autres du clé-en-main, et le sujet est parfois un peu foisonnant. Voici notre tutoriel pour s’y retrouver et faire le choix adapté.
L’ensemble des foyers en France a produit en 2018 près de 39 millions de tonnes de déchets. Parmi eux, environ 30 % sont organiques et putrescibles, soit environ 150 kg par Français et par an, ou encore 1,8 kg par jour pour un foyer de 4 personnes. Lorsque ces déchets organiques sont placés dans un milieu privé d’oxygène (dit « anaérobie »), ils vont être décomposés par des micro-organismes et former du biogaz, c’est-à-dire un mélange de méthane (CH4, 50-70 %), de dioxyde de carbone (CO2, 30-50 %) et d’autres impuretés. Ce processus dit de « méthanisation » est à bien distinguer du compostage, lequel se produit dans une ambiance contenant de l’oxygène.
À lire aussi Comment fonctionne un méthaniseur ?La quantité de biogaz produit à partir de déchets ménagers est variable selon les conditions environnementales, notamment la température, mais aussi selon la qualité des matières utilisées en entrée (appelées les « intrants »). On peut compter entre 50 et 200 litres de biogaz par kilogramme d’intrant, et ce biogaz peut être utilisé comme source d’énergie. C’est ce que nous montrent les fameuses flammes sur l’eau des marais Poitevin, brûlant le biogaz issu de la décomposition des matières organiques piégées dans l’eau.
Le biogaz a une capacité calorifique de l’ordre de 6 kWh/m3. Cette valeur est très variable selon la proportion relative de méthane et de CO2 puisque ce dernier, bien sûr, ne participe pas à la combustion.
Quelles applications pour le biogaz domestique ?
En principe, le biogaz peut être utilisé dans une grande variété d’applications : il peut être brûlé dans des plaques au gaz pour cuire des aliments, ou pour produire de la chaleur et chauffer des locaux ou des serres. Le biogaz peut également alimenter un groupe électrogène pour produire de l’électricité, voire dans un cogénérateur de façon à utiliser à la fois l’électricité et la chaleur produites.
Il est envisageable de le compresser pour le stocker dans des bouteilles de gaz, pour pouvoir l’utiliser à d’autres moments dans l’année que celui où il a été produit. On peut également envisager de le purifier pour produire du méthane presque pur (du « biométhane »), lequel peut ensuite être utilisé comme carburant dans des véhicules GNV (Gaz Naturel Véhicule) ou injecté dans le réseau et revendu à un fournisseur de gaz.
En pratique, les applications réalisables dépendent beaucoup du niveau de pureté du biogaz et de la taille de l’installation. Dans le cadre d’une production à l’échelle domestique, on peut s’attendre à générer de l’ordre de 80 m3 de méthane par an, pour une énergie qui serait de l’ordre de 0,5 à 1 MWh/an. À ce niveau de production, nous sommes dans le domaine appelé la « pico-méthanisation ».
Il n’est guère envisageable de chauffer des surfaces importantes à cette échelle. De plus, il n’existe pas sur le marché de moyen de purification de si petite taille, vous ne pourrez donc pas faire le plein de votre voiture, ni revendre le gaz. Par ailleurs, les moyens de compression du biogaz à petite échelle n’existent pas sur étagère, et restent aujourd’hui dans le domaine de l’autoconstruction.
À lire aussi Biométhanisation des déchets ménagers : réussites et fiascosNous présenterons ici les moyens de produire du biogaz pour la cuisson des aliments, qui est aujourd’hui l’application phare de la méthanisation domestique. Sans exclure les autres possibilités, elles seront toutefois réservées aux plus bricoleurs parmi nos lecteurs. Notons que le digesteur ne va pas produire que du biogaz. Il va également produire un résidu solide et liquide appelé un « digestat ». Ce dernier est valorisable en épandage direct comme fertilisant ou amendement dans votre jardin, moyennant quelques précautions concernant le moyen d’épandage, le calendrier et la quantité.
Un méthaniseur clé-en-main ou à faire soi-même ?
La production de biogaz par la méthanisation se fait dans une cuve étanche appelée digesteur, ou méthaniseur. De plus en plus d’entreprises proposent des solutions pratiques et faciles d’utilisation pour le particulier. On peut citer notamment la marque israélienne Home Biogaz, revendue en France par Biogaz maison. D’après le fabricant, les différents modèles de leur gamme acceptent entre 3 et 12 kg/j de déchets alimentaires, produisent entre 0,7 et 2,5 m3/j, lesquels permettent entre 1 h et 6 h de combustion par jour. Home Biogaz propose également un kit complet incluant un digesteur et des toilettes qui l’alimentent directement.
En ce qui concerne le prix, on peut compter entre 1200 et 2 400 € TTC pour l’achat du matériel. Les formations coûtent entre 500 € pour une visio avec un conseiller et jusqu’à 2 000 € pour une installation clé-en-main.
Citons également la société chinoise Shenzhen Puxin Technology ou encore la société irlandaise MyGug. Les digesteurs de cette dernière ont une forme d’œuf bien caractéristique, que le constructeur déclare avoir étudié pour favoriser le mélange des intrants et augmenter sa résistance. Le prix n’est toutefois pas public, et le site de l’entreprise ne propose pas encore une liste de distributeurs en dehors de l’Irlande.
À droite : le digesteur MyGug. À gauche : un digesteur Puxin / Images : MuGug, Shenzhen Puxin Technology.
Sont également disponibles des trésors de documentation pour les adeptes de l’autoconstruction. Ainsi, l’association toulousaine PicoJoule propose plusieurs tutorielsx pour fabriquer soi-même des digesteurs, de différentes tailles et fonctionnant selon différents principes. En association avec le Low-Tech Lab, citons par exemple le tutoriel au lien suivant permettant de réaliser un digesteur continu de 60 L pour une somme de l’ordre de 500 €. Une entreprise est en train de se construire avec des membres de PicoJoule pour commercialiser des kits de digestion et de compression.
Où implanter son digesteur ?
Il faut noter que le digesteur prendra une certaine place et sera placé en extérieur. Par exemple, le HBG 2.0 de Home Biogaz nécessite une surface au sol de 2 x 3,3 m. Mais au-delà de l’emprise au sol, il sera nécessaire de prévoir la façon dont il sera maintenu à bonne température. La méthanisation est en effet un processus qui nécessite de la chaleur pour fonctionner avec une bonne productivité, car, au contraire du compostage, il n’en génère pas beaucoup par lui-même. Ainsi, l’intérieur du digesteur devra être maintenant entre 15 et 50° C pour permettre aux bactéries de dégrader la matière organique.
Si l’on vit dans une région chaude, par exemple, dans un climat méditerranéen ou entre les tropiques où il ne gèle que rarement en hiver, le digesteur devra ainsi être placé de préférence dans un endroit bien ensoleillé.
À lire aussi Succès planétaire pour les digesteurs domestiques conçus par HomeBiogasDans le cas où il peut geler l’hiver, les préconisations ne seront pas les mêmes selon le fabricant : Home BioGaz, par exemple, préconise de vider une partie de liquide pour passer l’hiver et de prévoir une période de démarrage lors du retour des beaux jours. MyGug affime quant à eux que le digesteur fonctionnera même jusqu’à à -20° C, mais sans expliquer l’origine de l’appoint de chaleur. Il existe un certain nombre de méthodes permettant d’apporter de la chaleur au digesteur pendant l’hiver : il peut être accolé à un composteur, qui lui va produire de la chaleur, ou alors équipé d’un système de chauffage actif : résistance électrique, en cogénération avec un groupe électrogène, brûleurs utilisant une part du biogaz produit, voire réchauffé par un système de capteurs solaires thermiques. Il peut être sinon placé dans une serre ou dans un local bien isolé (par exemple, par du liège ou de la paille), ou bien isolé par lui-même.
Dans le cas où le digesteur est placé dans un local fermé, il faudra veiller à ce qu’il soit bien ventilé, de façon à éviter que les fuites de gaz s’accumulent. Le biogaz est en effet inflammable, et il contient comme impureté du sulfure d’hydrogène (H₂S) qui peut être toxique en trop grande concentration. Il faudra donc s’assurer que le gaz ne peut pas s’accumuler.
À lire aussi Des lasagnes ou des yaourts transformés en électricité : le biogaz pourrait réduire de 12 % les émissions de CO2La plupart des systèmes vendus pressurisent légèrement le gaz pour permettre sa circulation dans les tuyaux. Par exemple, le concept d’Home Biogas est auto-pressurisé à 10 mbar relatifs par sa géométrie propre. Il ne s’agit pas d’une pression suffisante toutefois pour remplir des bouteilles, opération qui nécessite alors un compresseur spécifique. Par ailleurs, les tuyaux de circulation du gaz devront être conçus de manière adéquate, de façon à pouvoir drainer les condensats d’eau. Enfin, des plaques de cuisson optimisées pour le biogaz sont généralement fournies par les constructeurs des digesteurs.
Le système est hermétique, n’attire pas les mouches, et en principe ne génère pas d’odeurs, même si certains témoignages indiquent que ces dernières peuvent s’échapper à l’ouverture du système.
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En principe, toute matière organique est méthanisable : déchets issus de la cuisine, épluchures, restes d’aliments cuits ou non cuits, aliments périmés, fruits, légumes, graisses, viande, poisson, laitages, excréments humains, fumier/lisier animal, produits issus de l’entretien du jardin comme les tontes etc). En pratique toutefois, selon la nature des aliments, le digesteur produira une quantité variable de biogaz, que l’on peut évaluer par la notion de pouvoir méthanogène.
Il est nécessaire que le mélange soit “équilibré” entre l’azote et le carbone, et certaines matières sont à éviter. Les aliments acides comme les agrumes sont à éviter, et certains constructeurs recommandent de ne pas utiliser les matières contenant beaucoup de lignines, très longues à décomposer, et qui seront plus adaptées pour le compost. Les toilettes sèches peuvent être utilisées et forment en bon équilibre en termes de rapport carbone / azote, il faut toutefois observer quelques précautions.
Selon le modèle de digesteur, il faudra additionner plus ou moins d’eau. De plus certains constructeurs ont des consignes différentes concernant les intrants : ainsi MyGug indique que son digesteur n’est pas conçu pour les excréments humains tandis que Home Biogaz met en avant le fait qu’ils soient justement utilisables. Home Biogaz indique qu’il faut éviter de mettre les tontes d’herbe, tandis que MyGug propose un traitement préalable permettant de les accepter dans l’appareil. Il faut donc étudier les différents modèles en fonction des déchets que vous avez besoin d’évacuer (déchets de cuisine, fumier ou lisier d’animaux, excréments…).
À lire aussi Avec ce digesteur domestique vous transformerez vos déchets de cuisine en biogazLe broyage préalable des aliments n’est généralement pas requis par les fabricants. Néanmoins, l’utilisation par exemple d’un broyeur de cuisine peut aider à la méthanisation.
La capacité de stockage est généralement faible, car le gaz non-comprimé ou très peu comprimé prend beaucoup de place. Il faut donc consommer le gaz et alimenter le digesteur avec une certaine régularité, idéalement quotidienne, pour pouvoir augmenter le taux d’utilisation du biogaz produit. De même, en l’absence d’alimentation, les bactéries se mettent en sommeil. Le digesteur peut donc ne pas être alimenté pendant un certain temps, par exemple, pendant un départ en congés, mais il faudra prévoir toutefois une manière de stocker le gaz produit.
L’entretien est décrit comme facile. Il ne faut toutefois pas oublier de changer ou nettoyer régulièrement les filtres de traitement du biogaz, permettant d’en retirer les impuretés comme le H2S. Ainsi Home Biogaz préconise un changement du filtre (à 36 € TTC) tous les 6 mois.
À lire aussi Ce centre commercial économise 390 000 € d’électricité grâce à sa centrale solaireN’hésitez pas à vous former
Certaines précautions sont à prendre, concernant l’implantation et l’utilisation – notamment les intrants acceptés par le digesteur, mais aussi concernant la sécurité de l’appareil (notamment la présence d’un gaz combustible et de H2S). Il est important de bien se familiariser avec les préconisations du fournisseur du digesteur, qui est celui qui connaît le mieux les particularités de chaque appareil.
Comme l’indique PicoJoule, le digesteur est un être vivant, qui doit être considéré comme tel. Il nécessite ainsi un minimum d’attention, tout comme un animal de ferme ou un animal de compagnie. Vous voilà donc prévenu, si vous songiez à adopter un méthaniseur ! Pour résumer, il est recommandé de vous former à l’utilisation d’un digesteur, en faisant appel aux formations des constructeurs, ou aux stages de l’association PicoJoule, comme celui-ci en fin juillet 2023.
À lire aussi Qu’est-ce que le temps de retour énergétique et à quoi sert-il ?En résumé
Nous le voyons, la production de biogaz domestique n’est pas à ce jour une technique banale s’insérant aisément dans le quotidien comme l’est l’achat d’un simple appareil électroménager. Il est également difficile d’affirmer que de tels systèmes sont compétitifs par rapport à de simples bouteilles de gaz au butane / propane.
Toutefois, pour ceux d’entre vous qui souhaiteraient valoriser leurs déchets ménagers biologiques, disposent d’un emplacement adapté et seraient prêts à y consacrer le temps nécessaire à l’apprentissage, il existe aujourd’hui des solutions accessibles, aussi bien clé-en-main qu’en autoconstruction. Et pour en savoir plus, internet est empli d’initiateurs de projets qui n’hésiteront pas à partager leur expérience, n’hésitez donc pas à les consulter.
Quid des fuites de gaz (non brulé) ayant un effet de serre très supérieur au CO2 ? C De manière artisanale ces solutions semblent plus risquées pour le climat qu’une solution.
Bonjour Narmo, oui vous avez tout à faire raison le méthane a un effet supérieur au CO2. Toutefois ce sont des systèmes qui sont prévus pour que le méthane soit brûlé, et donc transformé en CO2. Pour imaginer une situation dans laquelle l’effet du méthane non brûlé est supérieur à celui du simple compostage des mêmes déchets organiques, il faut supposer qu’une grande partie du méthane n’est pas utilisée. Cela revient à dire qu’il s’agit d’une situation où le digesteur ne sert à rien et ferait mieux d’être remplacé par un compost.
En effet et je réfléchissais également à la comparaison avec le compostage. A ma connaissance le compostage doit être aéré régulièrement pour éviter la méthanisation anaérobie, et favoriser les réactions aérobie ne produisant pas de méthane. Donc l’aération est bien réalisée il y aura moins d’émissions de méthane que dans un méthaniseur. La question est de savoir quelles sont les proportions dans chaque cas (compost versus pertes du méthaniseur) afin de comparer.
Les pays ayant développé les petits méthaniseurs domestiques montrent des taux de fuites les plus élevés, jusqu’à 10%
Domestique = moins contrôlé
Compost correct = pas d’émission de CH4
Que prévoient les constructeurs en cas d’intoxications au H2S, à l’ammoniac, et aux digestats ?
Il faudrait des membranes de filtration pour séparer les différents gaz, mais on monte dans une autre gamme de prix.
Bonjour CSNM, les constructeurs prévoient des filtres pour capter les polluants, notamment le H2S. Encore faut-il qu’ils soient changés ou régénérés régulièrement. Dans tous les cas, les constructeurs recommandent bien de ne pas placer le digesteur dans un local non aéré où ces gaz pourraient s’accumuler
Il semble clair que les constructeurs vont essayer de réduire les émissions de H2S. Ma question était qu’est-ce qui est prévu si intoxication ? Car dés 50 ppm c’est grave, puis létal dés qq 300 ppm …