Le gaz, le bois et l’électricité sont les principales énergies utilisées pour cuisiner. Sur ce marché, le soleil n’est quasiment pas exploité. Mais quel-est son potentiel ? Nous avons testé un four solaire portable conçu et fabriqué par une entreprise française. Un produit étrangement attachant malgré ses quelques défauts.
Jadis volumineux et réservés aux professionnels, les fours solaires se miniaturisent et deviennent, peu à peu, accessibles au grand public. C’est le cas du « Sungood », un petit cuiseur solaire pliant et facilement transportable, qu’a bien voulu nous prêter Solar Brother, son fabricant français. Mais en quoi consiste un four solaire ?
Qu’ils soient en forme de parabole, de barquette, en demi-lune, à miroirs ou lentilles : le principe est le même. L’objectif d’un four solaire est de concentrer les rayons solaires sur un récipient contenant les aliments ou la préparation à cuire. Ainsi, pour fonctionner, un cuiseur solaire doit obligatoirement être composé de deux éléments : un four et un récipient.
Ce dernier est particulièrement déterminant, car il collecte, stocke et transmet la chaleur aux aliments. Un contenant mal conçu placé dans un four solaire de compétition n’aura aucune efficacité, quand un récipient parfaitement adapté inséré dans un modeste cuiseur peut atteindre des températures élevées.
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Pour s’en rendre compte, nous avons testé le cuiseur solaire « Sungood » avec deux types de récipients aux performances radicalement différentes. D’abord, un récipient à double paroi en verre sous vide baptisé « Suntube ». Un dispositif censé atteindre une température maximale de 240 °C pour 700 W de puissance thermique, dans lequel nous avons placé une préparation maison de gâteau au yaourt. Ensuite, nous avons tenté de cuire du riz et des légumes (carottes, oignons, poivrons) dans la marmite « Cookup », en théorie capable d’atteindre une température de 120 °C pour 300 W de puissance thermique.
Les conditions de notre test, réalisé un 5 avril par grand soleil et sans vent significatif, sont à priori idéales. Il faut savoir qu’un four solaire ne peut fonctionner que par ciel clair. Contrairement aux panneaux photovoltaïques, qui continuent à produire de l’électricité par temps nuageux, les capteurs et réflecteurs solaires perdent toute puissance sous un nuage. Si l’inertie thermique du récipient permet de poursuivre la cuisson lors d’un bref passage nuageux, il est impossible de cuisiner un jour de grisaille.
Assemblage et préparation du four solaire
Avant de lancer les différentes cuissons, il nous faut assembler le four. Les miroirs souples « S-Reflect » spécifiquement conçus pour les applications solaires doivent être collés sur le cadre en polypropylène recyclé. Leur recto adhésif facilite la tâche (il n’y a pas besoin d’appliquer de colle manuellement), mais l’absence de numérotation des éléments correspondants impose un petit travail de réflexion à la manière d’un puzzle. Ce collage ne doit heureusement être réalisé qu’une seule fois, à la première utilisation.
Les miroirs collés et les films de protection retirés, il reste à monter le four au moyen de petites languettes plastiques à insérer dans des fentes. Un seul modeste réglage est possible : l’orientation de la rangée inférieure selon 3 positions, pour adapter le faisceau à la saison et à la position du soleil.
À lire aussi Comment ce fabricant français de fours solaires va décarboner nos déjeunersTest #1 – Cuisson d’un gâteau avec le tube sous vide
Nous versons la pâte à gâteau dans le contenant du « Suntube », préalablement recouvert de papier cuisson. Puis, le tube est placé sur deux petits supports en bois afin de le positionner idéalement dans le faisceau. Si une petite sonde de température analogique est intégrée, nous préférons utiliser un thermomètre électronique en plaçant sa sonde externe à la surface de la pâte.
Il n’y a plus qu’à attendre que la « magie » solaire se réalise. Solar Brother annonce par exemple 1h40 de cuisson pour un poulet basquaise et jusqu’à 3 heures pour un gâteau aux pommes, avec la marmite « Cookup ». Logiquement, les temps sont nettement raccourcis avec le « Suntube ». Si bien que nous atteignons 85 °C dès 15 minutes et franchissons le seuil des 100 °C en 24 minutes seulement. Au terme d’1h10 de cuisson, la température est de 124 °C dans le tube. Elle continue d’augmenter au rythme de 0,5 à 1°C par minute, mais notre gâteau au yaourt est déjà cuit. Sur l’ensemble de la cuisson, la température a progressé à une moyenne de 1,38 °C/minute.
Sa croûte, parfaitement brune, l’est peut-être un peu trop. Nous aurions pu arrêter la cuisson 10 à 15 minutes plus tôt. Si la forme en rouleau est atypique -elle épouse celle du récipient-, elle n’a pas d’incidence sur le goût. La mie est moelleuse et particulièrement savoureuse, probablement en raison de la température de cuisson bien plus basse que dans un four électrique ou gaz traditionnel.
Performances mesurées du Suntube | |
Temps pour atteindre 100 °C | 24 minutes |
Montée en température | 1,38 °C/minute |
Test #2 – Cuisson de riz et légumes avec la marmite solaire
Encouragés par ce premier test réussi, nous passons à la cuisson d’un petit récipient de riz et d’un mélange de poivrons, d’oignons et carottes tranchés. L’ensemble est placé dans la marmite « Suncook », moins performante, mais tout de même censée être en capacité de cuire ces aliments.
Nous suivons les consignes du manuel, qui préconisent d’emballer la marmite dans un sac plastique transparent, fourni avec le four. Une opération assez fastidieuse et qui impose d’utiliser un consommable : le sachet, qui doit être régulièrement remplacé. Ce dernier a pour objectif de créer un effet de serre autour de la marmite, qui n’est finalement qu’un fin récipient en aluminium. Son couvercle est d’ailleurs assez mal conçu : nous ne parvenons pas à le fermer correctement.
Des défauts reconnus par Solar Brother, à travers son fondateur Gilles Gallo. « La remarque est tout à fait juste. On est en train de le changer, en stock, il n’y a plus ce problème » promet-il. Concernant le sachet en plastique, « on sait que c’est pénible » rétorque-t-il, avant de détailler : « on voulait avancer par étapes et avoir un cout de lancement moins élevé. Actuellement, on développe une marmite avec une double peau en verre qui remplacera le sac pour faire l’effet de serre. Ça rendra l’objet plus pratique et on montera à 160 ou 180 °C » assure le dirigeant. « C’était une façon low-cost de faire de la conservation [de chaleur, NDLR] » explique-t-il.
Malgré notre patience et rigueur, la température à l’intérieur de la marmite « Suncook » s’élève péniblement. Elle atteint seulement 49 °C après 30 minutes de cuisson et 67 °C après 1h10, soit un rythme moyen de montée en température de 0,44 °C/minute. Elle stagne durant plusieurs dizaines de minutes, avant de remonter légèrement sans jamais atteindre les 100 à 120 °C promis. Résultat : ni le riz, ni les légumes sont cuits au terme d’1h30 de cuisson.
Performances mesurées de la marmite Cookup | |
Temps pour atteindre 100 °C | Non atteint |
Montée en température | 0,44 °C/minute |
Un premier contact en demi-teinte
Sur le moment, il nous est impossible de comprendre les raisons de cet échec. Mauvaise orientation des miroirs ? Excès d’eau dans la marmite ? Horaire de cuisson inadaptée ? « Vous l’avez utilisé comme si vous étiez sur une plaque électrique » nous explique le fondateur de Solar Brother. « Dans un four solaire, il faut comprendre que c’est l’air qui se retrouve à 100 ou 120 °C. Quand vous mettez votre bol de riz à l’intérieur de la marmite, ça ne marche pas, car il manque le contact thermique » estime-t-il.
« Le temps que l’air transfère la chaleur à l’eau, c’est long. Et puis les carottes, c’est long à cuire ! » détaille Gilles Gallo. Concernant la température maximale de 67 °C que nous avons relevé, le dirigeant accuse la sonde, que nous avons placée au contact des aliments. « L’air devait surement être à 100 ou 120 °C » avance-t-il.
Nous aurions probablement dû cuire séparément le riz et les légumes dans la marmite, ou simplement utiliser le nettement plus performant récipient sous vide « Suntube ». Ainsi, difficile de recommander la marmite « Cookup » dans sa version actuellement commercialisée. La déclinaison en verre à double paroi, que nous aurons peut-être l’occasion de tester ultérieurement, devrait en toute logique améliorer l’efficacité du dispositif. En l’état, le cuiseur solaire « Sungood » nous paraît pertinent seulement lorsqu’il est utilisé avec le « Suntube ».
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Ce modèle de four solaire présente l’avantage d’être très facilement transportable et d’occuper un faible espace une fois plié (hors récipients). Ses facultés sont finalement impressionnantes au regard de sa simplicité de conception et d’utilisation. Il peut être utilisé en pleine nature, même dans les zones où les barbecues sont interdits. Un atout qui explique nos difficultés pour tenter de diriger le rayonnement solaire sur les récipients.
« Comme on n’a pas de focale précise, il n’y a pas de danger d’incendie » explique Gilles Gallo, avant de poursuivre : « alors qu’avec une parabole ou la focale est concentrée sur quelques centimètres, vous déclenchez n’importe quel feu. Ce qu’on recherche, c’est de chauffer un volume, pas un point. Ça ne sert à rien d’avoir un point à 500 °C sur la marmite si la chaleur ne s’y répand pas » détaille le fondateur de Solar Brother.
À lire aussi Autocuiseurs électriques : dix fois plus sobres en énergie que les solutions traditionnellesPrix du four solaire Sungood et des récipients
Côté tarifs, le cuiseur solaire « Sungood » seul est vendu 100 €, quand le pack comprenant la marmite « Cookup » et le « Suntube » est affiché à 300 € sur le site de Solar Brother. Une somme relativement élevée pour un produit de conception simple, mais qui serait rentabilisée en 2 à 3 ans selon Gilles Gallo « si l’on y cuit une baguette de pain tous les 2 jours, comparé à un four électrique », assure-t-il. La fabrication 100 % française et le faible volume de production peut également expliquer le tarif. Par ailleurs, la société met gratuitement à disposition les plans de ses cuiseurs solaires comme le « Sungood », afin que les plus bricoleurs puissent fabriquer à moindres frais leur propre exemplaire.
Matériel | Prix catalogue au 20/04/23 |
Four solaire Sungood seul | 100 € |
Pack four solaire Sungood
+ Marmite Cookup |
120 € |
Pack four solaire Sungood
+ Marmite Cookup + Suntube |
300 € |
Marmite seule | 35 € |
Suntube (Capacité 1 L) seul | 185 € |
Suntube XL (Capacité 5 L) seul | 269 € |