Non seulement il n’achète plus d’électricité à EDF, mais d’ici quelques mois, il lui en vendra. En installant des panneaux solaires sur son toit, associés à une puissante batterie, ce particulier résidant en Martinique a réalisé une belle opération. Devenu autonome en énergie, il participe à la décarbonation d’un réseau électrique local extrêmement dépendant des ressources fossiles.

En Martinique, 73 % de l’électricité est produite à partir de pétrole (turbines à combustion au fioul et centrales à moteurs diesel). Le département d’outre-mer dispose pourtant d’un potentiel solaire séduisant, qui s’élève à 1 800 kWh/m²/an. Ainsi, des milliers de centrales photovoltaïques fleurissent au sol, mais surtout sur les toitures des professionnels comme des particuliers.

Au Marin, une commune du sud de l’île, un habitant est allé plus loin. Sur le toit de sa maison de 90 m², il a déployé une centrale solaire de 5,1 kWc, associée à deux batteries LiFePo4 totalisant 10 kilowattheures (kWh) de capacité de stockage. Une configuration qui lui permettrait d’être « à 99,8 % » autonome en électricité, affirme-t-il. Yoann Brochier a investi 19 000 € dans cette installation avant remises. Une somme rondelette, composée de 1 500 € de main d’œuvre, 8 400 € de batteries et 3 500 € d’onduleur. Mais pourquoi s’est-il lancé dans un projet si coûteux ?

 

S’affranchir des aléas du réseau électrique

« En Martinique, on a un réseau électrique de mauvaise qualité, avec des micro coupures sans arrêt. On ne le voit pas, mais les appareils électroniques prennent des surtensions. Mon matériel, ma clim, ma télévision, tombaient en panne tous les deux ans » explique ce trentenaire chef d’entreprise dans le nautisme.

« Et puis ici, les agents EDF ont tendance à couper l’électricité dès qu’il y a une grève. On a deux heures d’électricité dans la journée quand ça arrive. Ça me dérangeait d’être pris en otage » déplore-t-il. « On est aussi dans une région soumise aux cyclones et tremblements de terre, ça me permet d’être en autonomie s’il se passe quelque chose » explique l’homme, qui affirme également être autonome en eau grâce à des cuves de récupération de l’eau de pluie.

Au-delà de la stabilité d’approvisionnement, Yoann Brochier souhaitait aussi anticiper la hausse des prix de l’électricité. « Avant en Martinique, on avait une aide pour payer l’électricité moins cher, mais maintenant c’est aussi cher qu’en métropole » explique le particulier, qui déclare payer auparavant « une centaine d’euros par mois de facture ». « Ce n’est pas énorme, mais avec les augmentations, ça devait grimper » pense-t-il.

Produire sa propre énergie solaire dans une région où le réseau est aux trois quarts dépendant des ressources fossiles est également « un acte écoresponsable », estime l’entrepreneur. En théorie, son installation devrait être rentabilisée en un peu plus d’une décennie : 16 ans, sans considérer l’inflation ni les revenus tirés de la vente de la production excédentaire.

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Des batteries à décharge profonde

Déjà parée de 2 chauffe-eau solaires sur la face sud, couvrant toute l’année les besoins en eau chaude sanitaire, la toiture de ce père de famille s’est couverte de 14 panneaux photovoltaïques. Orientés est — ouest en surimposition, ils ne bénéficient pas d’un ensoleillement maximal. Pourtant, ils produiraient suffisamment d’électricité pour fournir près de 100 % des besoins du domicile et même injecter un excédent dans le réseau. « Actuellement, je paye 9 € de facture EDF chaque mois, dont 8 € d’abonnement, mais bientôt, c’est eux qui vont me donner de l’argent. Les 2 derniers mois, j’ai injecté 700 kWh » affirme Yoann Brochier.

En 189 jours d’exploitation, son installation solaire a produit un total de 4 mégawattheures (MWh), soit une moyenne quotidienne d’environ 21 kWh. « Là, par exemple, il est 8 h du matin et je produis 2,8 kW pour 795 W consommés, la batterie se recharge » précise-t-il en consultant l’application smartphone « Solarman » qui affiche les statistiques de sa centrale en temps réel. « Tous les jours à 11 h, mes batteries sont pleines. Les panneaux continuent à produire jusqu’à 17 h et tout est envoyé dans le réseau » détaille le particulier.

Grâce aux batteries de grande capacité, il n’est pas dépendant des variations de puissance des panneaux solaires. Il bénéficie d’électricité solaire de jour comme de nuit et quelle que soit la météo. Plutôt que des batteries au plomb ou lithium-ion ternaires, Yoann Brochier a opté pour des packs au lithium-fer-phosphate (LiFePo4), « car il y a beaucoup de départs de feu sur les batteries lithium classiques » estime-t-il. « C’est très intéressant car je peux faire des décharges profondes jusqu’à 8 % ».

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Adapter sa consommation au soleil

Pour optimiser l’autoconsommation, le chef d’entreprise reconnaît avoir dû adapter son comportement. S’il a équipé son domicile d’électroménager « triple A+ » et de climatiseurs « qui ne consomment rien, car haut-de-gamme », l’homme programme désormais le démarrage de son lave-linge et lave-vaisselle à 10 h au lieu de la nuit, auparavant. « Il faut adapter sa consommation au soleil » dit-il. « Quand je vois qu’il y a une journée très nuageuse, je coupe la filtration de la piscine à distance. La pompe fait 450 W, c’est mon plus gros poste de consommation après les machines à laver ».

En l’espace d’une journée seulement, la maison de Yoann Brochier est devenue autonome en électricité. Après avoir réalisé 5 devis, il a retenu celui d’un installateur dont il se dit particulièrement satisfait. « Ils m’ont dit qu’ils seraient là à 6 h du matin, ils étaient arrivés à 5h30 ! » s’enthousiasme-t-il. « Ils n’étaient que 2. J’ai halluciné, en une seule journée, tout a été posé nickel, rien ne trainait. À 15h30 la centrale était en service ! ». Le particulier a semble-t-il eu le nez creux en dénichant cet entrepreneur. « D’autres me proposaient 20 000 € sans batteries et avec 15 jours de travaux » s’exclame-t-il.

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