La transition énergétique allemande est en marche. Son objectif : développer au maximum les énergies renouvelables, essentiellement solaires et éoliennes. Toutefois, le pays a fait le choix de les soutenir en partie avec des centrales à gaz fossile. Des centrales qui, passées à la machine du greenwashing, s’apprêtent à devenir « hydrogen ready ». Qu’est-ce que cela signifie ?
La nouvelle avait filtré en tout début d’année 2023. L’Allemagne se préparait à quasiment doubler sa puissance installée de centrales à gaz fossile. Ce mardi 7 mars, c’est le chancelier Olaf Scholz en personne qui l’a confirmé : son pays va bien construire entre 17 et 21 GW de nouvelles centrales électriques à gaz. Avec une petite nuance sortie du chapeau : ces centrales devront être « hydrogen ready ». En clair, elles devront pouvoir fonctionner aussi bien avec du gaz fossile qu’avec de l’hydrogène.
Vous aviez compris que l’Allemagne misait tout sur les énergies renouvelables ? Et là, vous vous sentez un peu perdu ? L’explication est pourtant simple. Pour soutenir les moyens de production variables que sont le solaire et l’éolien, il faut pouvoir se reposer sur un — ou plusieurs — moyen de production d’électricité pilotable
À lire aussi Ces dizaines de centrales à gaz fossile que l’Allemagne va construireContrairement à ce que certains détracteurs des renouvelables affirment, les centrales thermiques fossiles ne sont pas les seules solutions pour y parvenir. La France, par exemple, module principalement avec du nucléaire, de l’hydraulique, des imports/exports et en partie avec du gaz. Mais en Allemagne, le choix a été fait de miser presque exclusivement sur le gaz, d’origine principalement fossile, ainsi que sur le très hypothétique hydrogène.
Un choix pas si simple à comprendre dans le contexte de crise que nous vivons actuellement. Et encore plus dans le contexte de réchauffement climatique. Car, si la production d’électricité à partir de gaz fossile est moins carbonée qu’avec des centrales au charbon, elle reste extrêmement émettrice de gaz à effet de serre. Quelque 418 g d’équivalent dioxyde de carbone par kilowattheure produit (gCO2e/kWh) contre 6 gCO2e/kWh (chiffres Ademe/France).
Des centrales à gaz « greenwashées » ?
Oui, mais les centrales à gaz allemandes seront hydrogen ready — on parle ici d’hydrogène vert, il va de soi — ou ne seront pas. Ainsi, comme le soutient Olaf Scholz, l’Allemagne « ne perd pas de vue son objectif de décarbonation ». Vraiment ? La réalité semble un peu plus complexe que le discours politique.
D’abord, pour une question de rendement. Produire de l’hydrogène par électrolyse à partir d’énergies renouvelables puis le transformer à nouveau en électricité dans une centrale thermique n’est pas très efficace. Une grande quantité d’énergie est perdue lors des différentes opérations : électrolyse, stockage, transport puis combustion dans une turbine avec un rendement généralement médiocre. Alors que le stockage par batterie, STEP ou CAES l’est bien plus. L’étape électrolyse coûte par ailleurs encore très cher. Des travaux de R&D sont en cours pour faire évoluer ce point. Mais ils semblent plus s’orienter vers une production à partir d’électricité… nucléaire. Une question d’intermittence — de facteur de charge, plus exactement — et de température.
À lire aussi Allemagne : 49 % de renouvelables dans un mix électrique toujours très carbonéIl y a aussi la question du stockage et du transport de cet hydrogène. Même si les ingénieurs travaillent aux infrastructures nécessaires, elle n’est pas réglée. L’Allemagne semble en effet surtout vouloir se tourner, pour produire son hydrogène, vers des pays richement dotés en soleil. En Afrique du Nord ou en Amérique du Sud. Loin, très loin de ses centrales à gaz. De quoi faire encore grimper les coûts et baisser les rendements. Et éventuellement, mettre en péril l’équilibre hydrique parfois déjà fragile de ces pays. Parce que pour produire de l’hydrogène vert par électrolyse, il faut aussi beaucoup… d’eau douce.
De meilleurs usages pour l’hydrogène
Autant de raisons qui font dire aux experts qu’un hydrogène vert pourrait servir de manière bien plus efficace des applications autres que celles de la production d’électricité. Il pourrait aider à décarboner l’industrie comme la métallurgie et la production d’engrais, notamment, aujourd’hui extrêmement dépendants des ressources fossiles. Pendant que les nouvelles centrales à gaz allemandes pourraient continuer longtemps à fonctionner à partir de méthane.
À lire aussi Boostée par l’Allemagne, la production européenne de biogaz a quadruplé en 10 ansLa semaine dernière, toutefois, le gouvernement allemand a accordé près de 30 millions d’euros à un consortium pour la construction d’un pilote de stockage d’énergie renouvelable par hydrogène vert dans l’est du pays. L’Allemagne prépare aussi activement l’importation d’énormes quantités d’hydrogène vert. Des appels d’offres internationaux ont été lancés. Dans le sud-ouest du pays, les habitants de la ville d’Oehringen reçoivent déjà un mélange de gaz fossile et d’hydrogène depuis l’automne dernier. Avec pour objectif de démontrer la faisabilité du 100 % hydrogène dès le milieu de la décennie.
Ce n’est pas du green washing, l’idée à toujours été d’utiliser le gaz fossile comme technologie de transition: a court terme, il s’agit pour l’Allemagne en priorité de sortir du charbon le plus rapidement possible. L’utilisation du gaz « naturel » à la place du charbon permet de diviser par 2 la teneur en CO2 par KWh des centrales thermiques. D’autre part la montée en puissance des renouvellables, qui représentent aujourd’hui déjà environ 50% du mix en valeur nette, va aussi contribuer a réduire la part des centrales thermiques. Les 2 effets a eux seul devrait permettre de réduire par 3 où… Lire plus »
Oui, mais surtout l’article indique : « On parle ici d’hydrogène vert- il va de soi- », alors que c’est plutôt l’hydrogène dit bleu qu’il faudrait considérer : l’ADEME avait sorti une étude indiquant qu’il s’imposerait lorsque le prix en Europe de la tonne de CO2 serait de ~110 €, ce qui est presque atteint actuellement.
Ça dépend de quel horizon on parle: à court et à moyen terme, utiliser de l’hydrogène bleu pour remplacer des centrales au charbon peut permettre de reduire les émissions, mais à long terme il ne faut faire en sorte que ce soit l’hydrogène vert qui s’impose.
Effectivement, et justement étant donné l ‘URGENCE climatique confrontée à l’INERTIE à la fois du système énergétique basé sur les énergies fossiles, de la société de surconsommation, de la démocratie représentative, il apparait illusoire d’atteindre la neutralité carbone en 2050, sauf à miser sur l’hydrogène bleu, ce qui peut être rapide, même si c’est temporaire. Au reste le méthane à utiliser n’est pas nécessairement d’origine fossile, et il y a d’autres sources d’hydrogène que par électrolyse : hydrogène naturel, par pyrolyse de la matière organique , des plastiques etc.
Il est effectivement assez « amusant » que les Allemands demandent un statut d’ « énergie de transition » pour le gaz naturel (carboné) fossile, et refusent d’accorder ce statut à l’hydrogène produit avec de l’électricité nucléaire. Par ailleurs, le di-hydrogène étant une molécule plus petite que le méthane, les fuites dans le réseau de production-transport-consommation seront plus nombreuses et plus massives que celles qui existent actuellement dans les réseaux de méthane. Or on trouve dans le magazine futura-sciences du 13/11/2021 une information très intéressante que je vous recopie : « Enfin, l’hydrogène aboutit aussi à la formation d’ozone troposphérique, un autre gaz à effet… Lire plus »
Sur cette question, plus récemment que dans futura science, est paru un article, ici, dans Révolution énergétique, le 10-08-2022, auquel on peut renvoyer : avec des précautions , le réchauffement climatique serait limité à 0,25°C. En contrepartie l’utilisation de l’hydrogène, bleu dans l’immédiat, permettrait de diminuer bien plus la température en raison de la suppression du dégagement de CO2 résultant de la combustion des énergies fossiles. Et il faut aussi mentionner que la récupération du méthane ( qui sert à la formation d’hydrogène bleu) réduira aussi le réchauffement,encore plusrapidement.
Bon courage à nos voisins allemands. Dans le transport d’électricité il y a de la perte en ligne. Dans le transport de l’hydrogène, en raison de la taille minuscule de cette molécule, il y aura également beaucoup de perte en ligne, car tous les matériaux y compris métalliques sont poreux pour cette minuscule molécule, sans compter le vieillissement métallique sous action de l’hydrogène (redouté par les sidérurgistes). Encore un facteur supplémentaire de perte de rentabilité du projet. Le charbon (ou charbon de bois) redeviendra-t-il un produit d’avenir dans 20 ans ? Certains investisseurs contre-cycliques y pensent déjà . Le charbon… Lire plus »
Pour simplifier, l allemagne pense utiliser l hydrogene produite par l eolien-solaire a la place du gaz russe. L hydrogene est stockable a volonte mais a une tres basse rentabilite.Il y a des millions d euros qui ont ete debloque pour que ça fonctionne. Sera que ça va fonctionner?