Le chantier de la station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP) de Redenat (Corrèze) a été brutalement stoppé en 1982. Seuls témoins du projet : deux tunnels complètement noyés qui s’arrêtent en plein milieu de la montagne. Depuis près de 40 ans, EDF attend des politiques plus favorables aux systèmes de stockage d’électricité de grande ampleur afin de le relancer.
Les systèmes de stockage sont un atout considérable pour les réseaux électriques. Ils permettent de stabiliser la fréquence, d’éviter des blackouts, d’accumuler la production variable de l’éolien et du solaire et de rendre les centrales nucléaires encore plus rentables.
Plusieurs techniques existent pour stocker efficacement l’électricité : la batterie, l’air comprimé en cavité souterraine et la STEP (station de transfert d’énergie par pompage-turbinage), qui relève de l’hydroélectricité. Cette dernière est la plus employée à travers la planète, car elle permet d’accumuler de très grandes quantités d’énergie sur de longues périodes.
À lire aussi Pourquoi EDF entretient ce tunnel inachevé depuis 40 ans ?La France dispose de 6 STEP pour une puissance installée de seulement 5 GW, soit 3,6 % des 139 GW du parc de production électrique national. Parmi les projets de nouvelles STEP, celui de Redenat (Corrèze) est le plus abouti. Tout est prêt : l’emplacement est parfaitement délimité, le réservoir inférieur existe déjà, les caractéristiques techniques ont été définies et les terrains sont réservés et inhabités.
Caractéristiques du projet de STEP de Redenat |
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Puissance installée | 1 100 MW |
Hauteur de chute | 270 m |
Capacité de stockage (estimation RE) | ~ 20 GWh |
Production annuelle | 1 400 GWh |
Débit pompage | 109 m3/s |
Débit turbinage | 130 m3/s |
Volume lac supérieur (total) | 36 millions m3 |
Volume lac supérieur (utile) | 32,6 millions m3 |
Superficie lac supérieur | 300 ha |
Volume lac inférieur | 187 millions m3 |
Marnage lac supérieur | 21 m (hiver) 3 m (été) |
Marnage lac inférieur | 5 m (hiver) 1 m (été) |
Source |
Un chantier arrêté brutalement
Le chantier a commencé au début des années 80 par le percement de deux galeries de 700 m, depuis lesquelles devaient être creusées l’usine hydroélectrique, véritable cathédrale souterraine, et les conduites reliant les deux lacs. Mais EDF, opérateur du projet, l’a subitement interrompu en 1982.
Le contexte n’était pas favorable : faibles coûts de l’électricité à l’époque, coût de rabot sur le budget et remise en question des concessions hydroélectriques sur la « cascade » de barrages le long de la Dordogne.
En 40 ans, personne n’a pu ou réellement voulu relancer la STEP de Redenat. Pas même François Hollande, ex-président du conseil départemental de la Corrèze devenu chef d’État, qui avait pourtant manifesté son intérêt pour le projet.
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Interrogé à ce sujet, EDF ne s’est pas exprimé spécifiquement sur le projet de Redenat. L’énergéticien national nous a simplement expliqué que « le cadre réglementaire et le modèle économique actuels en France métropolitaine peinent à faire émerger de nouveaux projets de STEP, en l’absence notamment de rémunération spécifique de la flexibilité. » En clair, investir dans ce moyen de stockage d’électricité de grande capacité ne serait pas assez rentable, faute de rémunération suffisante.
« Néanmoins, nous progressons pour qu’un cadre propice au développement de cet outil de stockage et de flexibilité émerge, comme en témoigne la loi « Climat résilience » du 22 août 2021 qui introduit la possibilité d’appels d’offres en soutien au développement du stockage. » indique l’opérateur.
EDF avait repris l’entretien des galeries en 2008 en les asséchant, selon le journal local La Montagne. Toutefois, lors de notre visite, ces deux tunnels étaient entièrement noyés jusqu’à la voute et donc impraticables. Ils plongent en effet à un niveau inférieur au lac du Chastang, qui constitue le réservoir bas de la future STEP.
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Les STEP n’existent que grâce au nucléaire en raison de la force nécessaire pour remonter l’eau. Mais depuis la séparation d’EDF en 3 unités distinctes, EDF doit acheter à RTE l’acheminement depuis les centrales nucléaires. La production d’électricité des STEP représente au mieux 82 % de l’électricité achetée en raison des pertes de charges.
j’avais oublié l’éolien si le site le permet ?
bonjour De nombreux projet de production ou de stockage voient le jour et vont devenir précieux car les enjeux énergétiques,besoin d’indépendance notamment sont on ne peut plus d’actualité. Mais les projet par ex de centrale photovoltaïque ne sont réfléchi que sur l’aspect production et donc financier très réducteur et détruisent pour ce que je vois dans mon environnement immédiat de grandes surfaces de foret .Au lieux de rendre ces surfaces désertiques en zéro biodiversité je propose qu’au contraire ces surfaces soient des réserves de biodiversité et soit utilisé pour crée des emplois.Des idées ?des ruches avec des plantations de plantes… Lire plus »
Le projet a été abandonné à l’époque suite a l’abandon du projet mesmer (reconversion du pays au tout électrique non dépendante des hydrocarbures) et le fait que ayant 30% de pertes au stockage il vallait mieux vendre les surproductions aux étrangers ou sous forme de remise aux clients . Plus recemment, la liberalisation des marchés réalisée a l’arrache avait oublié le financement des steps (qui payait la turpe 2 fois et les rendait totalement non rentables). Pour finaliser ce projet redevenu nécessaire, il faudra revoir les méthodes de financement utilisées qui ne conviennent ni au long terme ni au fonctionnement… Lire plus »
Tout à fait, merci pour ce commentaire éclairé.
Merci pour ces explications.
Les STEP ayant d’autres vocations que le stockage d’énergie, telles que le stockage d’eau vivrière, ou écologique par ajout aux volumes pluviométriques naturels, des volumes obtenus par relevage des volumes écoulés, l’énergie de pompage étant alors l’éolien, le solaire albédo-compensé, ou même hydraulique sur un cours d’eau voisin, permettant d’améliorer le maintien de débits minimums… elles devraient alors bénéficier d’aides et d’exonérations à la mise en place et à l’exploitation.
Très intéressant. L’absence totale de la France et de l’Europe sur la recherche et le développement de stockage d’électricité à grande échelle, est la preuve du non sérieux de nos écologistes associés au pouvoir depuis les années Mitterrand disons 1981. Sans stockage à grande échelle les renouvelables intermittentes ne servent que de tremplin au gaz Russe. D’où les soupçons de corruption par les Russes des sus nomes.
L’etat français préfère financer de hideux parcs eoliens plutôt que des step. Demandez-vous pourquoi.
Il faut de l’énergie pour faire fonctionner les STEP. Les STEP ne produisent pas d’énergies primaires. Il faut en fait les 2. Donc il faut aussi des éoliennes qui amènent cette énergie et les STEP pour palier à la variabilité de l’éolien.
Il y a visiblement erreur sur le débit de 130 m3/s, associé à la puissance de 1100 MW. 32,6 Mm3 : 130 m3/s = 70 heures X 1100 MW = 77 GWh, c’est beaucoup trop éloigné des 20 GWh annoncés dans l’article. Dans votre autre de vos articles est noté un débit de 400 m3/h, et on approche alors des 20 GWh. https://www.revolution-energetique.com/pourquoi-edf-entretient-ce-tunnel-inacheve-depuis-40-ans/ 32,6 Mm3 : 400 m3/h = 22,6 heures X 1100 MW = 24,9 GWh X 90% = 22,4 GWh Un autre calcul se rapproche de cette valeur, en considérant qu’un m³ d’eau chutant de 100 m possède une énergie… Lire plus »
C’est 130 m³/s x 3 turbines = 390 m³/s pour l’usine au total.
Je ne comprends pas le lien entre STEP et fréquence. Il est certain que les STEP sont la solution applicable à différentes échelles, qui a le meilleur rendement, la meilleure capacité de stockage, la plus grande souplesse de production, pour pallier à l’ impermanence des énergies renouvelables, tout en préservant l’ environnement, le climat… en épargnant les ressources d’ eau vivrière. La sortie des énergies fossiles et nucléaires rend leur mise en place indispensable pour préserver un minimum de technicité, et de niveau de civilisation, mais il ne faut pas se leurrer, il faudra passer par une frugalité qui sera… Lire plus »
Le rotor des alternateurs des step (et de toutes les centrales d’ailleurs) fait 50 tours par seconde …
En fait, les alternateurs des ‘grosses’ unités de production (comme les centrales nucleaires) tournent généralement à 1500 tr/mn, soit 25Hz mécanique. Mais ils ont 2 paires de pôles, donc la fréquence electrique au synchronisme est bien de 50 Hz ; -) …
Bonjour Karim. Le système convertissant la vitesse de rotation en électricité peut être synchrone avec plusieurs dipôles magnétiques, permettant de produire de l’électricité avec des vitesses de rotation plus basses, ou le système peut être asynchrone, mais ils nécessitent tous les deux un dispositif de régulation pour produire du 50 Hz 220 v, qui nécessite une puissance suffisante pour commencer l’injection sur le réseau. Je croyais la fréquence de ce dispositif conceptuellement calibrée par résonance sur 50Hz, la puissance produite se reportant alors sur le couple {Tension} dans une plage qui permet l’injection, {intensité} qui est alors la variable d’ajustement… Lire plus »
En alternatif sinusoïdal, la frequence n’intervient effectivement pas dans l’expression de la puissance active (P = Ueff x Ieff x cos phi). Le choix de standardiser le 50Hz sur les reseaux electriques Européens a ete fait a la fin du XIXieme. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas trouve d’info claire a ce sujet. Mais ce n’est pas une ‘constante universelle’ : outre Atlantique, c’est le 60Hz qui a ete choisi. Différent du 50Hz donc, mais suffisamment proche tout de même pour faire l’hypothèse que cela devait correspondre à un compromis technico-economique de l’epoque (vitesse de rotation optimale des… Lire plus »
Pour ce qui est du lien STEP et frequence c’est facile:
Si la charge du réseau augmente, ça fait baisser la fréquence (comme un groupe électrogène quand vous chargez la fréquence baisse). Pour remonter la fréquence faut ajouter de la puissance, Step en turbinage
pour la baisser, faut en retirer (donc consommer): step en pompage
Bonjour Hervé.
Je croyais la fréquence des dispositifs de production conceptuellement calibrée par résonance sur 50Hz, la puissance produite se reportant alors sur le couple {Tension} dans une plage qui permet l’injection, {intensité} qui est alors la variable d’ajustement à la puissance produite.
Les modèles de production qui m’inspirent, avec une fréquence conceptuellement imposée ne me permettent pas de comprendre pourquoi il faut porter une attention particulière à la fréquence.
Attention, la frequence d’un reseau AC n ‘a rigoureusement rien a voir avec un phénomène de resonnance : au contraire même, si l’impedance du reseau (vu de la source) possede une frequence propre (dite ‘de resonnance’) proche de la frequence nominale de fonctionnement, vous allez au-devant de très, très gros problèmes ; -) ! C’est le B-A-BA de la theorie de stabilite d’un reseau et de l’automatique (critères de stabilité de Blake, Nyquist et compagnie). Très basiquement, la frequence d’un reseau electrique généré par des alternateurs tournants est fixee par… Un multiple de la vitesse mecanique d’entraînement desdits alternateurs (au… Lire plus »
‘Maintenir la fréquence’ du reseau électrique signifie tout simplement maintenir l’equilibre puissance consommé puissance générée. Lorsque la consommation commence a dépasser la puissance maximale delivrable par les centrales de production, les turboalternateurs commencent a degrader leur energie cinetique inertielle pour tenter d’equilibrer le resau : leur vitesse de rotation diminue et donc le frequence electrique aussi… À 49.8Hz ça commence a devenir chaud avec des delestage locaux, à 49Hz on ouvre tout et on isole pour eviter s’effondrer le reseau électrique européen. En fait, les turboalternateurs, avec leurs lignes d’arbres massives a forte inertie en rotation, stockent pas mal d’energie… Lire plus »
Merci Fred.
La conversion puissance électrique en puissance mécanique occasionne, lorsque l’effort mécanique de pompage augmente, un ralentissement du rotor, qui réduit les forces contre-électromotrices, qui occasionne une montée en ampérage, et donc des pertes par effet Joule plus importantes.
Mais je ne savais pas que l’on observait un phénomène de ralentissement aussi sensible au turbinage, et surtout, qu’il avait une incidence sur la fréquence produite que je croyais conceptuellement imposée.
En fait, la diminution des fem de l’alternateur consécutive a la chute de vitesse est presque instantanément compensée par une augmentation en proportion inverse du courant d’excitation : les AVR (Automatic Voltage Regulator) font ça très bien. Rappelez-vous qu’une baisse de fréquence de 1 % (50 a 49.5Hz) est déjà catastrophique ; augmenter le courant d’excitation de quelques pourcents au ‘coude de saturation’ pour maintenir la tension ne poserait dans l’absolu aucun probleme. Le problème est que si on se retrouve dans situation, c’est qu’il n’y a plus aucune marge pour augmenter la puissance qui entraine l’alternateur (c-a-d le debit… Lire plus »
Merci pour ces informations techniques. J’espère ne pas abuser de votre temps et compétences, en poursuivant ce questionnement sur les fréquences des courants produits, vos réponses pouvant nécessiter une formation pour être comprises. > Comme vous l’avez expliqué, une baisse de tension sur le réseau, va réduire la puissance de certains appareils consommateurs, mais va occasionner aussi sur d’autres équipements consommateurs, une compensation par augmentation de l’ampérage. => Je pense que c’est surtout sur ces paramètres U et I, que se joue l’équilibrage « production / consommation ». > Lorsque je parle de résonance, je parle non pas de celle qui pourrait… Lire plus »
Toujours là ?
La fréquence de 50Hz ne se génère pas automatiquement par un mécanisme qui se réglerait tout seul sur 50Hz. C’est bien la rotation de l’arbre de transmission de la centrale (qui est en même temps un gigantesque volant d’inertie) qui impose sa cadence au réseau.
Merci Karim…
Vous parlez d’installations industrielles, quand je pense à des installations légères sur des cours d’eau à débit instable, ou à des éoliennes dont le générateur peut produire un courant à fréquence variable, mais qui doit être traitée par un dispositif de type onduleur – résonateur qui impose une fréquence de sortie conforme à celle du réseau domestique et pour laquelle nos équipements sont conçus.
C’est le moment où jamais de se reposer la question de reprendre les travaux. Le contexte économique étant différent et probablement plus favorable. Merci d’avoir déterrer ce sujet.
Dans le domaine du petit hydraulique nous sommes aussi en retard en France. Notre état centralisateur a toujours voulu rendre la vie compliqué au particulier qui veut s’engager dans cette voie. Aujourd’hui il y a moyen d’augmenter notre puissance hydraulique de quelques %.
« Notre état centralisateur a toujours voulu rendre la vie compliqué au particulier qui veut s’engager dans cette voie » Vous êtes en dessous de la réalité, dans la majorité des cas, si vous n’avez pas un moral d’acier et un tempérament de pitbull, vous laissez tomber le projet. Beaucoup de choses seraient possibles, y compris de promouvoir un renforcement de la production lors des pointes, mais pour cela, il faudrait que 1) » la volonté de façade » des politiciens soit traduite en lois, 2) que ces loies soient appliquées par les fonctionnaires dont c’est le metier. On est trés loin de… Lire plus »