Cédric Philibert a été conseiller du ministre français de l’Environnement (1988-1990), puis conseiller du Directeur général de l’ADEME (1992-1998) et a travaillé pendant 19 ans à l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Actuellement, il est consultant indépendant et analyste senior des questions d’énergie et de climat. Il est également chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Enfin, il assure un enseignement à Sciences Po Paris. A une semaine du 2e tour de l’élection présidentielle en France, il nous propose une tribune consacrée au programme de Marine Le Pen.
« L’urgence est de rompre avec une écologie dévoyée par un terrorisme climatique qui met en danger la planète, l’indépendance nationale et plus encore, le niveau de vie des Français ». Un terrorisme climatique, pas moins, voilà ce qu’on peut lire dans le Projet pour la France de Marine Le Pen, cahier « M L’écologie ». Nous sommes habitués à d’âpres débats sur les renouvelables et le nucléaire au nom du climat, mais là nous entrons dans une autre dimension : la remise en cause de toute tentative de réduire nos gaz à effet de serre, avec de redoutables effets d’entrainement aux échelles européenne et mondiale.
Electricité : le nucléaire contre les renouvelables
Madame Le Pen veut un « moratoire sur l’éolien et le solaire », et pour l’éolien « le démantèlement progressif des sites ». Les subventions dédiées à promouvoir ces énergies seront suspendues. Madame le Pen entend ainsi, dit-elle, libérer « 4 à 5 milliards d’euros par an de ressources publiques, ainsi que 1 à 2 milliards d’euros de raccordement des nouvelles éoliennes et panneaux solaires ». Elle a ainsi inscrit dans le chiffrage de son programme une économie de … 14 milliards (?). Peut-être devrait-elle se tenir informée des évolutions du marché de l’électricité : le soutien aux renouvelables aura coûté 2,4 milliards d’euros en 2021, en forte baisse du fait de la hausse des prix de marché.
À lire aussi France : faudrait-il instaurer un moratoire sur les énergies renouvelables?Pis : l’énergie des éoliennes qui survivraient au démantèlement sera désormais « achetée à prix de marché ». Illégal, bien sûr, de revenir ainsi sur les contrats. Et de plus, absurde : en 2022, les éoliennes soutiendront financièrement EDF et l’Etat, à hauteur prévisible de 3,7 milliards d’euros, la différence entre les prix d’achat de l’électricité éolienne prévus dans les contrats, et les prix de marché, qui seront sans doute bien plus élevés.
Madame Le Pen veut « produire une électricité décarbonée, à bas prix, accessible à tous ». Attention, elle reste favorable aux « énergies renouvelables, hydroélectricité et géothermie »… dont le potentiel additionnel est voisin de zéro. Et, surtout, à la relance du nucléaire.
Une électricité décarbonée ? Ce n’est pas le nucléaire pour sauver le climat (il est en réalité trop lent et trop cher), c’est le climat prétexte à justifier le nucléaire. Et là, pas question de la jouer petit bras : Madame Le Pen veut rouvrir Fessenheim, prolonger les réacteurs existants jusqu’à 60 ans voire au-delà, à mettre en service à partir de 2031 dix EPR, des SMR (petits réacteurs modulaires) et un prototype industriel de réacteur rapide refroidi au sodium issu du projet Astrid. Plus, à partir de 2036, dix EPR-2.
Ce programme nucléaire démesuré est irréalisable.
La part excessive du nucléaire français fait vieillir les centrales plus vite
Prolonger certaines centrales jusqu’à 60 ans sera peut-être possible, mais pour l’instant l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) s’est seulement prononcée sur les principes de la prolongation à 50 ans, soumise à examen particulier de chaque réacteur et travaux de remise à niveau. Le Pen affirme que l’exemple américain prouve qu’une prolongation des réacteurs à 60 ans c’est « zéro problème ». Elle sait sûrement mieux que l’ASN…
En fait elle n’a pas compris que la part excessive (70%) du nucléaire dans le mix français force à « moduler » la puissance des réacteurs pour suivre les variations quotidiennes de la demande. Cela fait vieillir les centrales plus vite, sous l’effet de stress mécanique et thermique et de bombardements neutroniques intenses durant les montées en puissance. Les réacteurs américains, ne fournissant que 20% de l’électricité des US, marchent à puissance constante et vieillissent moins vite.
L’EPR de Flamanville a coûté bien plus cher que prévu, jusqu’à 13 milliards hors frais financiers (20 en les incluant), c’est pourquoi l’industrie veut passer à l’EPR-2, simplifié et en principe moins cher. Mais voilà, sa conception n’est même pas finie, le premier ERP-2 pourrait au mieux être mis en route après 2035. Madame Le Pen veut, contre l’avis même de l’industrie, d’autres EPR type Flamanville, pour prétendre en disposer dès 2030 et boucher les trous de son moratoire sur les renouvelables.
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Les résultats prévisibles ? Au choix:
- de fortes pressions politiques sur l’indépendante Autorité de Sûreté Nucléaire (voire son contournement ou sa suppression), et une prise de risque nucléaire aggravée ;
- un manque d’électricité, permanent plutôt qu’intermittent, pour au moins quinze ans.
- un retour massif à la production thermique à partir de fossiles, dans quelques vieilles centrales et beaucoup de nouvelles à construire. Une aubaine pour les marchands de gaz, russes ou pas. D’autant que Madame Le Pen veut également sortir du marché européen de l’électricité, ce qui compromet les échanges internationaux si utiles pour optimiser à tout instant la production de ce bien peu stockable…
Au choix ou… les trois à la fois. Tout cela en dépensant beaucoup d’argent public, seul financement possible des EPR. Les renouvelables, elles, sont financées par le privé et désormais rapportent à l’Etat.
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Ce n’est pas seulement pour la production d’électricité, hélas, que le programme énergétique de Madame Le Pen, comme Terra Nova l’a noté, c’est « tout pour les énergies fossiles, rien pour le climat ». Madame Le Pen est hostile à l’interdiction progressive des passoires thermiques. Les locataires qui grelottent apprécieront. Elle veut baisser la TVA à 5,5% sur toutes les énergies, de façon pérenne : ce ne sera pas lié au cours des énergies. Pas question de mesures ciblées sur les ménages modestes : ce sera pour tout le monde. Cette baisse de la TVA serait sans doute bienvenue pour les automobilistes modestes et obligés, mais un encouragement à consommer du pétrole dont d’autres n’ont pas besoin.
Rares sont les mesures proposées qui n’encourageront pas à l’usage des énergie fossiles : une aide à la conversion à l’éthanol, marché rémunérateur pour les betteraviers, et un renforcement du réseau électrique « pour répondre aux besoins des véhicules électriques » – mais rien pour en soutenir le développement ou l’achat. L’hydrogène est aussi évoqué, mais on ne sait pas bien ni comment il serait produit ni à quelle fin il serait utilisé.
Bref, les renouvelables ne seront pas les seules à trinquer si elle est élue : les économies d’énergie ne seront pas de la partie. Et tant pis pour les filières industrielles en construction ! Quant à la sobriété, elle relève clairement pour Le Pen de « l’écologie punitive » : pas question de laisser « l’écologie étouffer la démocratie » et nos libertés « sacrifiées au nom d’une écologie dévoyée ». L’écologie « impose des régressions multiples de nos acquis collectifs, fragilise notre indépendance et prétend justifier des intrusions insupportables dans nos comportements ». Il faut au contraire sortir du « Green Deal » comme du marché européen de l’électricité, l’un et l’autre « imposés par l’Union Européenne » – tout comme « la réduction de la production agricole de 10 à 20% du projet européen De la Ferme à la Fourchette », qui vise d’abord à réduire de 20% les engrais azotés, et de moitié les pesticides dans les champs et les antibiotiques dans les élevages.
Il y a cinq ans, Madame Le Pen voulait sortir la France de l’Union européenne. Ayant compris que les Français étaient attachés à l’Euro, elle a changé son fusil d’épaule et se propose plutôt d’organiser une sortie en morceaux, un peu à la manière des dirigeants polonais et hongrois, acceptant les financements et refusant les factures ou les contraintes. Avant même que cela ne fasse imploser l’Union européenne, où la France joue un rôle central, le retour français vers les énergies fossiles sapera le leadership de l’Europe dans cette bataille mondiale – la vouant ainsi à l’échec.
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Commentaires
En restant NEUTRE mais ne faisant QUE constater
Pourquoi ne faite vous pas des explications sur ce que nous oblige a être aujourd'hui au sein de l UNION EUROPEEN ??? aucun journaliste en parle, ni sur les plateau TV, radio
Pourtant cela me Semble très important .
je vous rappel les obligations que les Français subisses ,mais non pas voté et on un rapport direct avec le climat , pollution, environement :
- la désindustrialisation française ( avec la suppression des circuits cours, et production au norme française avec toute les contraintes environnementale pour éviter les pollutions)
- La concurrence directe avec des pays économiquement plus rentable (chine, pays de l est...) ce qui induit une production sans contrôle a nos frontière (ou si peu...), marchandise de mauvaise qualité, pas de norme (la norme CE étant pour rappel un cahier des charges que le producteur s engage "normalement" a respecté dont lui même ce contrôle ....)
la production des pays autre avec des moyens catastrophique niveau écologie et dangereuse pour l environnement
- L'importation des produits avec des gros bateaux , porte contenaire donc fioule lourd sans compter leur fabrication, maintenance ...
- Dans l' UE on fabrique des produits INTERDIT d utilisation pour les agriculteurs europeen.....une bonne chose !!!! MAIS ses mêmes produit exporté ...utilisé.....puis la production et produit fini revendu sur le sol européen ....normal?
- Accord sur Mercosur
- Accord sur le CETA
- ETC ....
- il y a des bonnes choses aussi comme la garantie de 2ans hors contractuel sur tout default
(il faudrait un article dessus car cela évitera du gaspillage, car elle comprends aussi les accessoires, parfois la garantie est complexe a appliquer dans certain cas)
- la disponibilité des pièces pour les réparations entre 7ans et 10ans selon la nature
Je pense que vous avez beaucoup d'article a éditer si vous développez .... :)
et je parle bien du coté écologique, conséquence environnementale....
Bien cordialement
bonjour, je suis d'accord avec Bernard c'est une tribune politique quoi que vous en disiez. l'auteur omet de préciser les objectif de Monsieur Macron qui va booster le nucléaire avec des EPR également et small réacteurs à gogo. Il laisse le programme éolien pour calmer les écolos sachant que celui ci n'est pas populaire à l’Élysée (sa femme les déteste). De plus le titre m'a fait éclater de rire"l'élection de Madame Le Pen serait une catastrophe pour le climat" : notre tout petit pays n'a pas beaucoup d'impact sur le cimat de la planète cf: Chine, USA, Inde, URSS. Eux se sentent moins concernés que nous. Ce sont eux le vrai danger car leur "machine à faire du fric" est incompatible avec une préservation de la planète. la planète est foutue les amis quoi que l'on fasse, profitez bien et n'oubliez pas de trier vos déchets (sic). Je tiens tout de même à préciser que je suis écolo dans l'âme et que je ne voterai pas Madame Le Pen....
Intéressant même si pas de nouveautés si l'on suit l'actu. Sachant que le climat avec macron, on a eu cinq ans pour voir qu'à part bavasser sur le sujet et créer des milices anti-écolos, il s'en moque totalement.
Les programmes les plus favorables au climat sont ceux qui développent le plus le nucléaire, la seule technologie qui minimise l'emprise au sol, n'émet aucun ges et ne nécessite pas de stockage (technologie qui n'existe même pas d'ailleurs)
Et le biomethane ? ENR ajustable a souhait a la demande
et la stockage sous forme de GNL (gaz naturel liquefie), vous en faites quoi ? L Australie est devenu un grand exportateur de GNL . Plein de projets a travers le monde ( chili, Maroc...) pour planter des eoliennes ou parcs solaires pour produire duGNL et l exporter vers l EUrope
Bah vous ne faites que confirmer ce que Karim dit. Du gaz naturel liquéfié, bah, c'est du gaz donc ça émet du CO2 car je doute très fortement qu'au Maroc et en Australie, celui ci vient du biométhane....
Franchement j'admire votre persistance à répéter sempiternellement la même chose, sachant que je partage en partie votre avis, à ceci près que le nucléaire n'est pas la seule solution et il a des défauts majeurs, qui devraient faire l'objet d'un débat citoyen, éclairé et honnête. Vous risquez donc de ne pas être invité.
Cher Karim , vous dites n'importe quoi ?
Le nucléaire est une catastrophe pour le climat parce que pour obtenir le minerai on doit aller creuser des mines à l'autre bout du monde et faire supporter aux autres les contraintes de nos propres besoins :https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210331-niger-la-fermeture-d-une-des-plus-grandes-mines-d-uranium.
Il faut ensuite transporter ce minerai avec des camions ,trains et bateaux qui polluent plus que l'ensemble de tous les véhicules français :https://www.google.com/search?q=pollution+des+bateaux+par+rapport+aux+voitures&rlz=1C1PNBB_frFR932FR932&oq=pollution+des+bateau&aqs=chrome.3.0i512j69i57j0i512l2j0i22i30l6.20255j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8
Puis pour enrichir le minerai il lui faut de l'énergie, c'est donc déjà faire du stockage . https://fr.wikipedia.org/wiki/Enrichissement_de_l%27uranium
Puis lorsqu'il produit il dégage du radon, gaz cancérigène et radioactif, de la vapeur d'eau ,principal gaz à effet de serre :https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/rechauffement-climatique-vapeur-eau-elle-gaz-effet-serre-912/
Il peut même faire neiger quand il fait très froid :https://actu.fr/societe/jusqu-a-30-cm-de-neige-autour-de-la-centrale-de-cattenom-en-moselle-mais-pourquoi-donc_39326185.html
Ensuite il a un besoin constant d'eau qu'il réchauffe par ses rejets , ce qui demande de construire des barrages partout ou c'est possible Donc de noyer des milliers d'hectares de plaines fertiles
Enfin les déchets qu'il produit sont contaminants et dangereux pour tout le vivant .Et suivant sa période ce danger se propage d'année en année sur parfois plusieurs centaine, voire plusieurs milliers d'années ?https://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium_238
C'est pour ça qu'on cherche à s'en débarrasser en les enfouissant. Mais le risque continue de courir même à 500 m sous terre . Et en plus sa coûte horriblement cher, sans produire 1 seul watt ? https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/nucleaire/cigeo-coutera-entre-20-et-30-milliards-d-euros-sur-un-siecle_18782.
L'élection de Macron a été une catastrophe pour le climat. Le retard de la France sur les énergies renouvelables est impressionnant, le gaspillage de l'argent public dans l'EPR Flamanville est colossal, comment Le Pen pourrait faire pire ? Vous parlez dans le vide car le programme n'engage personne, moi je parle de ce qui a été fait. De plus il est très peu probable qu'elle obtienne la majorité aux élections législatives. Elle devra faire des concessions, par exemple avec une gauche beaucoup plus écologiste.
Vous dites que Macron a été catastrophique (ce qui est vrai) parce que nous sommes en retard sur les énergies renouvelables. Madame Le Pen veut un moratoire sur le solaire et enlever les éoliennes. Vous savez facilement comment elle peut faire pire.
Par ailleurs, elle a déjà annoncé vouloir contourner le parlement...
petite réponse même si je ne suis pas le pen depuis des années mais le système de referendum a 500 000 signature pourrais être intéressant pour justement demander l avis au Français et avoir de bon débat télévisuel sur l 'écologie.
Je ne suis a priori pas contre des référendums d'initiative populaire, mais sur quel sujet voulez-vous les organiser ? On a vu par exemple que pour Notre Dame des Landes, cela n'apportait rien.
Mais quoi qu'il en soit, son programme est une catastrophe au moins sur les énergies renouvelables. Et sur le reste, je crois qu'elle n'a tout simplement aucune idée.
les suisses y arrive trés bien ...les questions sont varier ..
Les Suisses en font, je sais. Mais je ne sais pas comment sont formulées les questions et ne suis pas certain que ce soit toujours « très bien ». C'est pour cela que je vous demandais sur quel sujet vous imaginez les organiser. Il y a beaucoup de cas dans lesquels les gens les plus concernés sont en minorité et ont l'impression de se faire imposer des choix par des gens non (ou peu) concernés.
Elle peut bien sûr faire pire même si le bilan de Macron n'est pas très glorieux. Rien que le fait de vouloir démanteler des éoliennes est une bêtise sans nom.