Cuire du pain grâce au soleil, c’est possible, et partout en France. Cette technique se répand progressivement grâce au développement de fours solaires de plus en plus performants. Elle nécessite tout de même une adaptation des processus de fabrication, de quoi donner des idées à plus grande échelle. 

D’ici peu, les quelque mille habitants du petit village du Brusquet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, vont avoir droit à leur propre boulangerie, et pas n’importe laquelle. Celle-ci sera équipée d’un four qui ne fonctionnera ni à l’électricité, ni au gaz, ni au feu de bois, mais à l’énergie solaire. Au Soleil Levain sera, en effet, équipée d’un four solaire permettant de réduire au minimum l’impact environnemental de la boulangerie.

Pour aller au bout de cette démarche de minimisation de l’impact environnemental, ses créateurs ont décidé de soigner les détails avec un bâtiment réalisé en ossature bois et isolé avec de la paille, ainsi qu’un circuit d’approvisionnement en ingrédients le plus court possible. Même les livraisons des épiceries environnantes et de la cantine de l’école primaire du Brusquet se feront à vélo pour éviter les émissions de gaz à effet de serre.

3 500 W d’énergie thermique sur une simple remorque

À l’instar du Présage, ce restaurant marseillais qui « carbure » à la cuisine solaire, on retrouve au cœur de cette démarche écologique, un four chauffé par le soleil. Ici, le choix des boulangers s’est porté sur le Lytefire Deluxe. Un petit modèle installé sur remorque, capable de cuire entre 50 et 110 kg de pain chaque jour, ou de torréfier 20 kg de cacahuètes en trois heures, selon son fabricant. Pour cela, il développe un maximum de 3,5 kilowatts (kW) de puissance thermique par le biais de plusieurs dizaines de miroirs incurvés, représentant une surface de réfléchissement totale de 5 m². L’installation est autrement plus puissante que les fours solaires portatifs destinés aux particuliers. Il est possible d’obtenir jusqu’à 300 °C au point focal, et ainsi de faire monter le four en température en 45 minutes. Le four est également équipé d’un tambour spécifique, permettant de torréfier certains aliments comme des céréales, grains de café, de cacao, etc.

Réorganiser sa manière de travailler

La boulangerie solaire n’est pas l’apanage du sud de la France. On compte déjà quelques courageux qui se sont lancés dans l’aventure, comme Au gré du soleil et Brin de levain, tous deux dans la Drôme, mais aussi Barasol en Bretagne et Néoloco, en Normandie.

Choisir la cuisson solaire nécessite de réorganiser ses méthodes de travail pour s’adapter au caractère intermittent de cette énergie. Que l’on soit situé près de Marseille, ou près de Lille, impossible, avec un four solaire, de faire cuire ses baguettes à 7 heures du matin comme tout boulanger traditionnel. Face à ces contraintes, Arnaud Cretot, créateur de l’atelier Neoloco, a développé une méthode d’organisation d’entreprise appelée TELED, destinée à intégrer l’intermittence de l’énergie dans les processus de fabrication à l’échelle artisanale, mais aussi à l’échelle industrielle.

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Concernant la boulangerie, le caractère périssable du pain nécessite de revisiter en profondeur le processus de fabrication, pour identifier les étapes pendant lesquelles il est possible d’obtenir une certaine marge de manœuvre. Cela permet de gagner en flexibilité, et ainsi de pouvoir optimiser l’utilisation de l’énergie solaire lorsqu’elle est disponible. À l’inverse, l’activité de torréfaction, parfois réalisée avec le même four, permet d’obtenir des denrées non périssables. Dans ce contexte, l’objectif est de maximiser la production dès lors que l’énergie solaire est disponible, et ensuite d’effectuer de la gestion de stock.

Et quand il n’y a pas de soleil durant plusieurs jours ? La boulangerie solaire du Brusquet fonctionnera probablement au moyen d’un four à bois, comme le fait l’atelier Neoloco les jours de mauvais temps. Le pain sera donc garanti à 100 % cuit à partir d’énergies renouvelables.